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Qwant : ‘’Proie’’ de la Géopolitique de l’Internet

Alexandre del Valle (avec Emmanuel Razavi), co-auteur du livre, "LE projet", publié cette semaine*.



Qwant est le moteur de recherche Français et Européen qui assure ne pas tracer ses utilisateurs, ne pas revendre leurs données personnelles, et veut se positionner comme l’un des garants de la protection de nos vies privées face aux GAFAM américains (Google, Apple, Amazon, Facebook et Microsoft) et aux BATX chinois (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi). Une position légitime et utile à notre souveraineté numérique, qui le rend toutefois génant aux yeux de ses adversaires. Explications.




Bien sûr, un moteur de recherche français qui veut concurrencer Google, cela peu paraître prétentieux. Surtout lorsque l’on sait qu’en France, une start-up lève, à projet égal, environ 10 fois moins de fonds qu’aux Etats-Unis. Pourtant, c’est le pari qu’a fait Eric Léandri, le PDG de Qwant. Avec une réussite qu’il faut saluer, puisque son moteur existe, et qu’il est aujourd’hui utilisé par des millions de personnes. Il vient d’ailleurs d'être choisi par la Région Occitanie pour être installé par défaut sur des milliers d’ordinateurs.


Evidemment, le fait que Qwant ne revende pas les éléments liés à nos vies privées à des sociétés tierces lui donne un pouvoir d’attractivité évident par rapport aux GAFAM, qui ont transformé nos vies en biens de consommation courante.


Surtout, Qwant et son PDG énervent au plus haut point leurs concurrents californiens car ils ont mis en place des outils étiques, là où les sociétés américaines ont démontré qu’elles abordaient parfois cette question avec légèreté.

Plusieurs spécialistes du renseignement expliquent par ailleurs que Qwant empêcherait peu à peu les services secrets américains d’avoir un accès direct à nos données privées.


Qwant, versus Google et les services secrets américains


Tout en révolutionnant notre façon de consommer, Internet a aussi transformé notre perception de la démocratie et des relations internationales! Depuis 20 ans, la toile a fait muter notre conception des libertés individuelles, puisque nous acceptons d’ y voir disséquer nos habitudes et nos vies privées que nous sommes des centaines de millions à exhiber sur les réseaux sociaux.


Une habitude devenue aubaine pour les géants de l’Internet qui se nourrissent de nos ‘’profils’’ pour engranger du chiffre d’affaires en commercialisant nos données. Mais ce que l’on dit moins, c’est que ces données servent aussi à nous espionner, à savoir l’essentiel sur nos goûts, sur nos déplacements, sur nos amis, etc. Des données qui servent évidemment à de nombreuses officines outre - Atlantique… entre autres.


Ainsi, le moteur de recherche Google s’est-il appuyé, d’après de nombreuses sources, sur le savoir-faire des hommes du renseignement américain pour se developer et exploiter ces informations. Notre confrère Maxime Chaix, spécialiste des Etats profonds et des services de renseignement, explique ainsi dans un article publié sur le site d’informations Globalgeonews.com que “le futur Google a bénéficié dès janvier 1996 d’un capital d’amorçage fourni notamment par la NSA et la CIA. Ces financements impliquaient le suivi étroit, par deux universitaires employés par le Renseignement américain, des travaux de développement du moteur de recherche qui deviendra Google.com en septembre 1998. Ils s’inscrivaient dans la logique d’un recentrage du Pentagone sur la « guerre de l’information à l’ère de l’Internet - un bouleversement stratégique initialement prôné par le Highlands Forum. Fondée en 1994, cette institution est un méconnu mais puissant réseau d’influence organiquement lié au Département de la Défense, et longtemps co-présidé par le stratège Andrew « Yoda » Marshall – le protecteur du trio belliciste formé par Dick Cheney, Donald Rumsfeld et Paul Wolfowitz durant la première moitié de la présidence de George W. Bush».


En 2017, Qwant et plusieurs sociétés de l’Open Internet Project ont déposé plainte auprès de la Commission européenne afin de contester la position dominante de Google sur le système d’exploitation Android. Le 18 juillet 2018, Bruxelles a ainsi condamné la firme américaine à une amende de 4,34 milliards d’euros pour abus de position dominante. Un coup dur pour les géants américains du net. Une victoire pour la France et l’Europe.

Dans les mois qui ont suivi, Qwant - ou plutôt son PDG - est pourtant devenu l’objet de critiques relayées par certains médias.


On lui reproche ainsi de ne pas tenir ses objectifs, de combattre sur plusieurs fronts et d’avoir les yeux plus gros que le ventre, là où aux Etats-Unis, on saluerait son patriotisme économique.

On lui reproche enfin de trop payer ses cadres, dans un pays où l’on passe pourtant le plus clair de notre temps à expliquer qu’on ne gagne pas assez…


Bref, le PDG de Qwant est a cible de controverses qui font la joie de ses concurrents, lesquels ne doutaient certainement pas que la faiblesse de tels arguments puissent le mettre en difficulté.


Qwant et la guerre du Numérique


Leandri, créatif et visionnaire, ne peut pas tout, tout seul, contre Google, les GAFAM et leurs appuis étatiques. Il mène un combat pour la souveraineté numérique de la France et de l’Europe qui mérite qu’on le soutienne, que des alliances autour de lui se créent. Les enjeux sont trop importants pour la démocratie et les libertés individuelles.

Car Qwant ne représente pas seulement une menace économique pour Google. Il représente aussi une menace pour les services américains, qu’il va priver de l’accès à des millions de données privées. Il est un outil de protection de nos libertés, et représente de fait un enjeu géopolitique digital de taille pour l’Etat français.


Qwant a vu le jour grâce à Eric Léandri. Pourtant, la question se pose de le remplacer si l’on en croit plusieurs sources proches du dossier.


Toutefois, qu’en serait-il sans lui ? Qui, parmi ceux qui devisent sur son sort, pourra bien livrer la bataille du numérique face aux GAFAM avec autant d’acharnement que celui qui a osé défier avec un certain succès le géant Google?

Bien sûr, la partie sera difficile à gagner face aux Américains et aux Chinois.

D’autant que la guerre du numérique, qui se joue sur la toile, dans les médias et les cénacles du pouvoir, est d’autant plus terrible qu’elle a tout d’une guerre de l’ombre.


Dans ce contexte, il est utile de rappeler que Qwant est un moteur de recherche qui fonctionne, même si bien sûr il doit encore s’améliorer. Qu’il n’atteigne pas encore ses objectifs de chiffres d’affaires est sans doute préoccupant, mais quoi de plus normal quand il a été la cible d’attaques récurrentes qui ont fait peur aux investisseurs, ralenti ses levées de fonds et probablement eu un impact sur son développement ?


N’oublions pas que dans cette guerre de l’Internet - qui est aussi une guerre d’influence économique et géopolitique parfois menée par des officines étrangères - il faut des hommes de l’Art, des inventeurs, des innovateurs, ce qu’ont très bien compris les Américains, toujours pragmatiques.

Il faut donc que la France - et son président Emmanuel Macron qui veut redonner à l’Europe toute sa force géopolitique - mettent le paquet pour soutenir ce fleuron de l’innovation française qu’est Qwant. Qu’ils fassent bloc, à l’instar des Etats-Unis, derrière ses patrons du numérique.

Il faut aussi qu’ils sachent donner le temps à Qwant de se développer, et à son patron de mener sa barque jusqu’au bout.


A ce prix, peut-être la France aura-t-elle la chance de contrer l’influence des géants américains et chinois du numérique.

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