Progression de l’islamisme en France : un état des lieux
Après les attaques contre Israël, la France aussi a fait l'objet d'attentats. A Arras, un assaillant radicalisé a tué un professeur. Sait-on à quel point l'islamisme progresse-t-il en France ? Eléments de réponse.
Atlantico : Quel est l’état des lieux de la progression de l’islamisme en France, notamment au regard des attentats déjoués ? Ce phénomène s’est-il réellement amplifié à travers notre pays ?
Alexandre del Valle : Tout dépend de ce que l’on appelle « islamisme ». L’islamisme djihadiste ne représente qu’une réalité minoritaire de l’islamisme radical, qui est composée aussi d’une branche politique et prosélyte bien plus large. La partie djihadiste représente une menace sécuritaire, donc elle n’est que la partie la plus violente, spectaculaire, extrême de la famille islamiste que j’ai qualifiée de totalitaire et qui est en fait un « bloc ». Sa masse immergée de l’Iceberg est constituée des « coupeurs » de langues, c’est-à-dire ceux dont le jihad est rhétorique, verbal, psychologique et idéologico-politique, donc l’islamisme « institutionnel » et « associatif », qui progresse par l’infiltration, la subversion des valeurs des infidèles, le victimisme et la conquête par étapes et via le communautarisme, la face émergée de l’iceberg est incarnée par le jihadisme, qui progresse quant à lui par le mimétisme de la violence médiatisée et donc la sidération-soumission par la terreur mise en scène.
Cela représente certes une vraie menace, comme le prouvent les attentats d’Arras et de Bruxelles récemment, même si l’islamisme politique « institutionnel » est en train de mettre sur pied des écosystèmes et des zones de contre-sociétés durables plus efficacement encore que les jihadistes qui eux agissent de façon plus complémentaire qu’opposée, en rappelant que tout le monde devrait craindre les musulmans et l’islam… Le mimétisme est ici à l’œuvre : avec les attentats du Hamas en Israël, avec les appels au djihad prononcés par le leader du Hamas depuis Doha, un mimétisme s’est mis en place et des attentats ont été « naturellement » commis quelques jours plus tard ailleurs dans le monde. Or les cibles – un professeur à Arras et des Suédois à Bruxelles – n’ont rien à voir avec Israël. Le mimétisme du djihadisme que les professionnels appellent « l’effet Werther » le rend totalement incontrôlable puisqu’il suscite des vocations sans aucun lien de réseaux ou de groupes puisque des individus peuvent décider de passer à l’acte sans que des organisations aient planifié une action précise. Si un leader islamiste ou un groupe islamiste de renom comme Daech, le Hamas ou Al Qaïda lance un appel vague ou commet un attentat spectaculaire et médiatisé, un autre islamiste moins « encarté », voire non membre actif d’un groupe mais sensible à la cause évoquée (palestiniens ou musulmans « victimes des infidèles »), va vouloir ensuite vouloir passer à l’acte par pur mimétisme. Il ne s’agit pas d’un « loup solitaire », mais d’un terroriste auto-actionné à partir d’une fanatisation ambiante préexistante. D’où le lien entre les islamistes « institutionnels » coupeurs de langues qui veulent criminaliser les « islamophobes » et qui paranoïsent les musulmans en permanence en diabolisant les sociétés infidèles en invoquant des textes de la Charià, et ceux qui passent à l’acte et qui l’ont certes fait dans une logique mimétique et « inspirée », mais parce que la propagande diabolisante des islamistes politiques et cultuels ont préalablement légitimé théologiquement une violence potentielle sans le dire explicitement. Revenons à votre question : de nombreux projets d’attentats sont déjoués chaque mois fort heureusement par nos services de renseignement qui font un très bon travail dans la lutte contre le terrorisme. En Europe, la France pourrait s’inspirer de l’Italie dont le modèle est proche de la stratégie déployée par le Maroc face à la menace terroriste et qui consiste à privilégier le renseignement de proximité et les expulsions rapides. L’Italie a conservé un service de renseignement humain qui surveille toutes les personnes à risques et notamment qui parvient à détecter de manière très efficace les premiers signes de radicalisation. Cela permet de dissuader les radicalisés idéologiques avant même qu’ils ne deviennent activement violents. La France, en revanche, a un énorme problème depuis la suppression des RG. Il n’y a plus la même police de proximité qui permet de surveiller tous les discours de haine et les profils les plus dangereux. Il n’y a plus aujourd’hui de contrôles systématiques. Il y a tellement de radicalisés à surveiller. 15 à 18 fonctionnaires de police seraient nécessaires pour surveiller parfaitement quelqu’un de dangereux ou de violent comme un repris de justice radicalisé ou une personne revenant de Syrie. Or, nous n’avons pas assez de fonctionnaires de police. Il est impossible de surveiller toutes les personnes les plus problématiques. Si beaucoup d’attentats orchestrés par les grandes organisations terroristes sont déjoués, il n’y a aucun moyen aujourd’hui pour garantir la sécurité des citoyens face aux djihadistes appelés à tort « loups solitaires ». Le laxisme migratoire vis-à-vis des profils légaux fanatisés ou des profils illégaux potentiellement fanatiques et violents presque jamais expulsés est l’une des causes de l’incapacité des services à surveiller et neutraliser tous les prédateurs, avec le laxisme judiciaire, les peines faibles, les libérations conditionnelles ubuesques et le manque de prison sans oublier le manque de déchéances de nationalités légales et le manque d’expulsions légales de clandestins ou de réguliers expulsables au regarde de la préservation de la sécurité collective.
Mais ces individus, souvent étrangers mais aussi souvent naturalisés et fils de naturalisés, ont été radicalisés par un djihadisme d’atmosphère, par le discours du leader du Hamas qui a appelé à attaquer les mécréants et qui a contribué au passage à l’acte des terroristes à Arras et à Bruxelles. Ce djihadisme est extrêmement difficile à surveiller. En France, il est impossible d’empêcher que des personnes fanatisées hors groupes organisés ou «jihadistes d’atmosphère » passent à l’acte, étant donné le nombre devenu hors contrôle de profils à risque laissés libres dans la nature et fanatisés de façon « ambiante » par les professionnels de la paranoïsation qui peuvent être des imams, des prédicateurs connus mais qui savent caler leurs prêches et jongler avec les termes, ou des émulations sur les réseaux sociaux faux loups solitaires. La surveillance déployée ne permet plus de suivre chaque individu dangereux, et cela n’est pas la faute de la police, mais des politiques et des juges qui suivent plus les agendas très médiatisés des « ONG » et fameuses « associations » anti-répression que les demandes de sécurité des citoyens lambdas assimilés à des xénophobes s’ils osent dire que nombre d’étrangers radicalisés ayant commis des actes terroristes n’auraient pas pu nuire s’ils avaient été emprisonnés durablement, isolés ou expulsés quand cela est légalement possible (c’est-à-dire hors risque de faire des apatrides). Jacqueline Eustache-Brinio : L’islamisme a bel et bien progressé en France. Nous avons néanmoins fait des progrès pour déjouer les attentats. Les chiffres le prouvent. En revanche, ce qui m’inquiète énormément concerne l’état d’esprit et l’idéologie qui se sont propagés à travers le pays. Nous sommes confrontés à un islamisme rampant. Beaucoup n’ont pas voulu voir cette infiltration dans notre pays et qui est maintenant partout. Il y a des générations de jeunes et d’adultes qui se comportent sur le territoire français au nom d’une foi et non pas au nom des valeurs de la République. Cela apparaît maintenant au grand jour et tout autour de nous. La Grande Mosquée de Paris a décidé, le 7 octobre, d’annoncer la création de AMMALE (l’Alliance des Mosquées, Associations et Leaders Musulmans en Europe) et pour annoncer son ralliement à la doctrine du « juste milieu » des Frères musulmans. Qu’est-ce que cela traduit sur la progression de l’islamisme en France ? Alexandre del Valle : Depuis le départ de Dalil Boubakeur, que je fréquentais et appréciais beaucoup pour son amour des Lumières, du Soufisme puis de la France, il y a eu une dérive à la Grande Mosquée de Paris. Chems-Eddine Hafiz, l’actuel recteur de la Grande Mosquée de Paris qui a pris la suite de Dalil Boubakeur, n’a pas la même compétence théologique que M. Boubakeur. Il représente une communauté musulmane algérienne, mais pas un savoir religieux. Il n’est pas l’équivalent du grand imam d’Al-Azhar. Et il est plus politique que spirituel ou penseur. Chems-Eddine Hafiz raisonne de manière très communautaire. Il est payé par l’Algérie comme son prédécesseur, certes, mais à la différence de Dalil Boubakeur, qui était voltairien, et qui avait une extrême estime de la France et de ses traditions, Chems-Eddine Hafiz a pu agir par le passé à travers certaines décisions (il avait intenté un procès contreCharlie Hebdoquant au blasphème) fort ambiguës, peut-être pour complaire aux Frères musulmans. Il a même parfois justifié les actes intégristes violents en disant que la blasphématrice Mila qui avait été menacée de mort pour ses propos considérés « islamophobes » l’avait bien cherché…
Mais c’est hélas cela l’islam du soi-disant « juste milieu » (« din al wasat » en arabe), une expression très utilisée dans l’islam sunnite, mais qui n’a jamais été un islam modéré au sens où un occidental laïque l’entendrait. Il ne s’agit en aucun cas d’un courant modéré ou réformiste de l’islam. Cette expression peut être trompeuse car elle est utilisée non pas par les réformistes ou modernistes de l’islam mais par les orthodoxes sunnites qui décrivent par-là cet islam officiel tel qu’il existe depuis le Xe siècle avecses quatre écoles de jurisprudence reconnues, un islam non réformable car les portes de l’ijtihad, l’interprétation-herméneutique, sontréputées « fermées » depuis cette époque et l’islam orthodoxe issu de cette fixité est vu comme parfait et complet (« kamil wa chamil »). Or dans cet islam orthodoxe, il y a la jurisprudence sur la peine de mort pour les blasphémateurs, les polythéistes et les apostats et les adultères et les ennemis de l’islam - certes appliquée dans quelques rares pays musulmans, mais enseignée dans les universités islamiques et préconisée par les islamistes. Il y a aussi l’inégalité hommes-femmes, la haine et l’infériorité sociale et juridique des chrétiens et juifs, la mort ou la conversion pour les « polythéistes », les châtiments corporels et la légitimité du jihad sur le sentier de Dieu (« jihad fi sabill’illah »), bref toute un droit « canonique » enseignée même dans nombre de mosquées de France et d’Europe, et en tout cas jamais remis en question ni dénoncé ou déclaré caduc…
Ainsi, beaucoup de penseurs musulmans modérés comme Razika Adnani, Mohamed Charfi, l’ambassadeur et philosophe politique Mezri Haddad, le Cheikh soufi Bentounès, Leila Babès, etc, rêvent d’un islam qui se libérerait de toute la partie de cette jurisprudence qui justifie les infériorités, les inégalités ou la violence. Pareil islam réformiste et moderne devrait permettre de remettre en question les pans de la charia et du droit islamique (Fiqh) qui vont à l’encontre d’un grand nombre de valeurs universelles, républicaines, démocratiques et des libertés individuelles: tout ce qui incite à la violence, à l’assassinat des apostats, tout ce préconise de tuer celui qui change de religion, et tout ce qui criminalise ou limite la liberté d’expression et de mixité interreligieuse. Hélas, en France et dans les réseaux de représentations de l’islam en Occident, dominés intellectuellement par les Frères musulmans, il y a de très nombreux ouvrages de théologie musulmane qui s’appuient sur cet « islam du juste milieu » qui peut paraître modéré par rapport à des jihadistes, mais pas du tout par rapport aux normes occidentales libérales-démocratiques.
En fait, personne n’ose interdire les textes religieux qui, dans les mosquées et centres islamiques en Occident, expliquent aux musulmans comment ils pourraient faire prévaloir des principes fondamentaux de la religion considérés comme étant « heurtés » par des lois (anti-foulard islamique, anti-Abaya, Burqa, etc), ou des droits comme le blasphème (caricatures deCharlie Hebdoou professeurs montrant des images du Prophète). Personnellement, je n’ai jamais apprécié les moqueries et caricatures vulgaires deCharlie Hebdocontre les religions, la mienne comme celle desautres. Mais en France, le blasphème est autorisé et nous, les « croyants », nous devons l’accepter, ce que Chems eddin Hafiz, a d’ailleurs fini lui-même par admettre après le meurtre de Samuel Paty. Mais il lui a fallu du temps et la contrainte exercée sur sa fonction. En laissant circuler des ouvrages qui rappellent que le droit islamique punit de mort les blasphémateurs, comme par exemple nombre de traités de droit et charià (Muslim ou Bukhari, Malik, Mawardi, etc). Plus grave, on peut citer des essais distribués en FNAC commeLe Licite et l’Illicite,de Youssef al Qardaoui, ex-mentor de Tarik Ramadan et éminence suprême des Frères musulmans dans le monde et en Europe, où il créa le Centre pour la Prédication et la Fatwa, basé à Dublin, destiné à donner des « avis » juridiques aux musulmans européens. Véritable bible des Frères musulmans etbest-sellerislamique universel, cet essai explique que l’islam préconise la peine de mort pour 3 raisons, le blasphème, l’apostasie et l’adultère… puis comment frapper sa femme.
Ceci n’a jamais empêché Qardaoui de co-présider et de parrainer l’Université des imams européens de Saint Léger du Fourgeret, qui se réfère à lui encore aujourd’hui. On peut citer encoreLa voie du Musulman, de Al Jazairi, qui incite au passage à l’acte lorsqu’il prône de se préparer et s’armer en vue du Jihad contre les « ennemis de l’islam ».. Ce genre de textes en vente libre ont probablement préparé des milliers de consciences à comprendre le jeune Tchétchène qui a tué le professeur d’Arras ou son homologue tunisien de Bruxelles qui a tué deux Suédois « mécréants ». Tout le problème de l’islamisme en France est lié au fait que l’islam de France a été confié depuis les années 1970-80 à des organisations islamistes ou des Etats qui adhèrent à une jurisprudence soi-disant du juste milieu, mais en réalité extrêmement radicale, ou ultra-conservatrice et orthodoxe, qui légitime la peine de mort, le fait de battre sa femme, l’infériorité des femmes, le fait de mépriser les Juifs et les athées. Cela remet totalement en cause les valeurs de notre civilisation, de la République française, de l’Occident, et cela compromet une intégration pleine.
Les textes religieux musulmans diffusés en Europe ne devraient pas contenir des incitations à la violence ou être réinterprétés par des imams éclairés, ce qui est plutôt de l’ordre de l’exception, car la plupart ont été formés à l’idée de la perfection de l’islam sunnite des 4 écoles juridiques et de la non nécessité de réformer cet islam, l’innovation-réforme étant « blâmable » (bidaa). L’islam ne concerne pas uniquement la foi, l’islam est aussi une loi, comme le judaïsme, une loi, une société, une politique, un droit, une jurisprudence, une conception théocratique du pouvoir (Din wa Dunya), et même un Etat pour les islamistes (Dawla). L’enseignement de cette vision archaïque théocratique ne peut que poser un problème d’intégration et semer les bases de heurts entre musulmans et non musulmans, et ceci de plus en plus à mesure que la Oumma grandit avec l’appel d’air migratoire lié à une immigration de peuplement massive et majoritairement islamique. Jacqueline Eustache-Brinio : La Grande Mosquée de Paris semble se rapprocher, via ce choix, de nos pires ennemis, les Frères musulmans, et de leur idéologie. Le massacre du Hamas et les attaques ont été menées en Israël le 7 octobre au nom de l’islamisme.
Il est urgent de rester unis et de défendre les valeurs de la République afin de pouvoir préserver l’unité du pays. Le chef de l’Etat Emmanuel Macron appelle à l’unité. Mais comment faire quand la population ne partage pas les mêmes valeurs et les mêmes codes. Il faut ramener cette unité par un combat idéologique fort et par l’obligation et la fermeté. La décision de la Grande Mosquée de Paris prouve qu’il est urgent de le faire.
Au regard des travaux des services de renseignement, notamment via le rapport de 2018 sur « l’état des lieux de la pénétration de l’islam fondamentaliste en France », que faut-il penser de la progression de l’islamisme en France ? Alexandre del Valle : Depuis ce rapport que j’avais lu, les choses ont empiré… L’état des lieux est absolument époustouflant et alarmant. Il y a deux pôles plus ou moins modérés ou pas islamistes radicaux au sein de l’islam de France : celui de l’Union des Mosquées de France, liée au Maroc, présidé par Mohammed Moussaoui, également président du CFCM, puis la Grande Mosquée de Paris. Mais les deux sont sous l’influence de puissances étrangères, comme le Maroc ou l’Algérie. Tous les autres pôles influents au sein du CFCM ou en dehors de lui, sont extrêmes et développent en France le séparatisme islamiste. Premièrement, les Frères musulmans contrôlent de nombreux lieux de culte et ont une énorme influence intellectuelle. Les Frères musulmans se sont spécialisés dans un rapprochement tactique avec toutes les forces progressistes, tiermondistes, antiracistes, pro-palestiniennes, pour faire passer le combat fondamentaliste de l’islam radical comme une sorte de néo-tiermondisme.
Cette mouvance frériste est la matrice de l’islamisme radical et elle est à l’origine de nombreuses mosquées, associations et lycées musulmans. Des entrepreneurs du religieux islamistes ont travaillé au corps les jeunes et les « quartiers » et ils ont ainsi distillé l’idéologie des Frères musulmans en leur faisant croire que la France était raciste et qu’elle les traitait comme Israël traite les Palestiniens, d’où le fait que lorsque des incidents éclatent en Israël, il y a tout de suite des meurtres en Europe. Les Frères musulmans ont une énorme responsabilité dans la fanatisation islamiste, dans la paranoïsation des consciences en faisant croire que tout le monde est islamophobe. Le deuxième pôle extrêmement radical, à l’origine de la diffusion en Europe et en France du salafisme wahhabite, est l’Arabie saoudite, et la Ligue islamique mondiale qu’elle finance et dirige et qui a une antenne officielle (2000 m 2) à Mantes la Jolie. Ce salafisme officiel délivré par un « Etat ami » de l’Occident a contribué à la diffusion du salafisme, et ce salafisme a ensuite échappé aux Saoud pour devenir hors contrôle. Même si le prince héritier et souverain de facto Mohamed Ben Salmane a essayé de réformer la LIM et veut moderniser l’Arabie et lutter contre l’islamisme radical, la loi islamique permet tout de même en Arabie saoudite la crucifixion et la décapitation des individus et il repose sur l’imitation de la vie de l’époque du Prophète des musulmans, donc prône le modèle des mœurs du VII -ème siècle…
Cet islam-là s’est développé dans nos banlieues, comme le frérisme qui lui est proche théologiquement (salafiyya) avec la complicité de nos dirigeants qui ont offert aux Etats et organisations islamistes mondiales hostiles à nos valeurs nos compatriotes musulmans à qui nous aurions dû transmettre la foi éclairée par la Raison. Comment nos dirigeants ont pu être assez fous et même traitres à nos valeurs et à notre civilisation judéo-chrétienne pour exposer nos compatriotes à de telles valeurs et à l’influence de tels pays qui pratiquent chez nous l’ingérence politico-religieuse ? Les « banlieues de l’islam » ont été littéralement abandonnées par les autorités démissionnaires et différentialistes, donc qui ont renoncé à l’universalisme républicain. Le salafisme saoudien a été plus conservateur que le frérisme en prônant un islam du repli, très arriéré, qui consiste à imiter la vie du Prophète. Le troisième courant islamiste majeur, co-auteur avec le frérisme, de la paranoïsation des musulmans d’Europe et d’Occident, a été le pôle indo-pakistanais, basé sur un repli communautaire absolu et la séparation symbolique du musulman « pur » d’avec le reste de la société « mécréante impure ».
Cette réalité s’est appliquée de façon flagrante au Royaume-Uni, avec les quartiers du « Londonistan », et le mouvement du Tabligh, qui a des points communs avec les Talibans dans son arriération imitatrice de l’époque du VII -ème siècle du Prophète, en est aussi un exemple en France. On se rappelle que le Tabligh, appelé « foi et pratique » en France, avait refusé, avec les deux associations turques du CFCM, de signer un texte visant à édifier les règles constituant un islam de France, avec sa charte et le rejet de ce qui est attentatoire aux droits fondamentaux dans la charià, notamment le blasphème puni de mort dans la loi islamique et le Fiqh. Les mouvances déobandies, barelvies, tablighies et jamaa islami indo-pakistanaises sont à l’origine des dérives de l’islam anglais et sont souvent des premières étapes de fanatisation et repli volontaires qui précèdent celles de la radicalisation violente jihadiste, qui n’en est que la conséquence logique : si l’on répète à longueur de temps que l’infidèle est impur, il devient tentant et cohérent d’en finir avec lui un jour ou l’autre…
Le quatrième et dernier pôle de l’islamisme qui travaille à empêcher l’intégration en France et ailleurs en Europe est le pôle « turc-néo-ottomaniste », donc les réseaux politico-religieux chapeautés par la Turquie d’Erdogan. Certes, la Turquie a longtemps été laïque, et jadis, les islamistes turcs, chassés par Ankara, trouvaient refuge en Europe de l’Ouest ! C’est comme cela qu’est né et s’est développé librement le Millî Görüş – pendant turc des Frères musulmans en Allemagne, avant d’essaimer ailleurs et d’aider Necmettin Erbakan, son leader, puis Erdogan, son émule, à prendre le pouvoir progressivement entre les années 1994 (Erbakan) et 2002 (Erdogan). Depuis l’arrivée de ce dernier au pouvoir il y a déjà 21 ans, l’islamisme turc, qui jadis était dans l’opposition en Turquie, est maintenant contrôlé par le pouvoir turc et aidé par lui. Les réseaux islamistes turcs d’Etat (DITIB et Dyanet) dits « consulaires », puis leurs équivalents concurrents privés, Milli Görüs, Suleymanci, Nurcu, Naqshbandiyya, Kaplanci, etc, ont réussi à reprendre en main et inculquer une identité séparée à la majorité des Turcs non Alévis vivant en Europe. La Turquie a ainsi fanatisé de nombreux Français d’origine turque en leur disant que le génocide arménien n’a pas existé, et que les sionistes et les Européens chrétiens haïssent la Turquie et sont « islamophobes ». On se rappelle que le Millî Görüş souhaitait implanter une mosquée à Strasbourg avec l’appui des écologistes qui ont dû faire marche arrière dans le cadre du scandale que cela a provoqué. Le Millî Görüş, qui a formé Erdogan jeune, a en fait comme livre de chevet un ouvrage qui explique que tous les problèmes du monde sont dus aux Juifs, notamment l’abolition du Califat turco-ottoman à rétablir un jour. Cette vision rapproche l’islamisme turc de celui des Frères musulmans avec lesquels le Milli Görüs travaille étroitement. La question à se poser est donc la suivante : comment est-ce possible que nos dirigeants depuis 40 ans aient laissé un accès libre à toute la littérature radicale de ces mouvances puis confié nos concitoyens musulmans à des imams et à des réseaux si hostiles à nos valeurs sachant que cela a favorisé le repli communautaire sous couvert de lutte contre l’islamophobie ? Est-ce de l’inconscience, du je-m’en-foutisme ou de la forfaiture ? L’état des lieux est gravissime. Pour revenir à la question initiale, la situation s’est par conséquent dégradée depuis le rapport de la DGSI en 2018. La réalité a empiré depuis. Les djihadistes ont progressé. De nombreuses personnes sont revenues de Syrie. Des personnes radicalisées ont purgé leur peine et sont en liberté. La France a accueilli de nombreux Tchétchènes qui fuyaient Vladimir Poutine mais ces individus faisaient partie de la mouvance islamiste radicale opposée à Kadyrov et Poutine, donc pas de grands démocrates... Ils ont été accueillis par la bêtise des hommes politiques qui ont cru qu’il suffisait d’être un opposant à Poutine et Kadyrov pour être un bon réfugié... Ces Tchétchènes venaient en réalité d’un milieu radical et souvent pro-djihadiste, et ce n’est pas un hasard si les deux jihadistes qui ont tué le Professeur d’Arras et Samuel Paty sont tous les deux tchétchènes. La famille de l’assaillant d’Arras avait d’ailleurs été surveillée, aurait dû être expulsée, pour radicalisme islamiste « familial », mais les « associations » avaient obtenu qu’ils ne soient pas expulsés après avoir été déboutés du droit d’asile politique. Outre les Tchétchènes, les Afghans, particulièrement surveillés, nos dirigeants et forces de l’ordre ne peuvent plus empêcher la subversion islamiste venue du monde arabo-maghrébin, sahélien, turc et pakistanais, tant l’effet de masse est dissuasif. Nous avons accueilli des loups dans la bergerie et beaucoup sont incontrôlés et incontrôlables. Jacqueline Eustache-Brinio : Ce phénomène est extrêmement inquiétant. De nombreuses revendications sont venues s’immiscer au sein de l’organisation de notre société. La loi de 2004 a encadré, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées public. Cela fait 20 ans que les revendications communautaires islamistes se succèdent. Elles sont aujourd’hui de plus en plus importantes. A cause de notre faiblesse, nous n’avons pas été en mesure de lutter contre ce phénomène et ce processus. Sous prétexte de tolérance et d’ouverture, nous avons laissé s’inscrire l’insupportable et l’intolérable. Aujourd’hui, pour faire marche arrière, il est donc nécessaire d’avoir un discours ferme et clair. S’il n’y a pas de lois suffisantes pour nous protéger, il va falloir le faire vraiment. Au niveau de la Justice et au sein du système carcéral, y aurait-il une radicalisation endémique et en phase d’accélération au sein des prisons ?
Alexandre del Valle : Beaucoup de choses ont évolué ces dernières années. Près de 300 personnes radicalisées ont été libérées de prison. Il y a des prédateurs dans la nature. Les services de renseignement les surveillent, mais ces services sont débordés. Les enfants des djihadistes femmes rapatriées depuis 2018 représentent également une grande inconnue, car leurs enfants ont été radicalisés en profondeurs s’ils sont arrivés à plus de 8 ans. Il y a également des revenants de Syrie non repérés qui passent au travers des radars car certains ont emprunté les chemins de l’immigration clandestine. Ils sont en train de recomposer en ce moment même des cellules dormantes en France, en Belgique ou ailleurs. Les nouveaux profils de ceux qui se radicalisent sur notre sol sont de surcroit de moins en moins liés à des réseaux identifiés mais de plus en plus auto-radicalisés et donc peu repérables avant de passer à l’acte violent (« jihadisme d’atmosphère », d’inspiration spontanée ou par mimétisme). L’islamisme tant politique (fréro—turc ou pakistanais) que jihadiste, gagne du terrain. Il n’y a pas de baisse de candidats attirés par le djihadisme, tandis que l’islam politique gagne des parts de marché dans la jeunesse très sensible au prosélytisme communautaire de leurs amis musulmans et au thème « antiraciste » de la lutte contre « l’islamophobie ». Avec la « publicité » faite de façon mécanique et virale à chaque attentat, puis avec la crise en Israël aujourd’hui ou en Syrie Irak hier et au Sahel peut-être demain, il y a de surcroit un effet de mimétisme et de paranoïsation collective et individuelle qui grandit et est le moteur du ressentiment et de la radicalisation contre les sociétés infidèles. Parallèlement au travail d’entrisme des Fréristes et autres pôles turcs, il y a donc le pouvoir de sidération et l’effet publicitaire de chaque attentat jihadiste qui, de par sa forte médiatisation, pousse toujours plus à parler plus d’islam en mal ou en bien, puis à dénoncer l’amalgame et l’islamophobie elle-même prétexte de plus en plus fréquent aux actes terroristes-jihadistes. La mécanique est auto-alimentée. Plus il y a d’attentats, plus on parle de l’islam et de l’islamisme, plus l’islamophobie des mécréants est crainte et dénoncée, et plus cela incite au passage à l’acte par ressentiment et mimétisme. Par ailleurs, les juges ont tendance à libérer dans la nature très facilement des prédateurs et des personnes radicalisées. Des associations se mobilisent également pour empêcher les expulsions comme ce fut le cas pour le terroriste à Arras. Compte tenu de ce contexte et de la législation en vigueur largement sous appliquée par des juges laxistes, la France est condamnée à avoir sur son sol de vrais prédateurs. Rappelons que l’islamisme est un bloc, donc vouloir faire monter l’islam politique en se disant qu’il pourra freiner l’islam djihadiste est une erreur folle. Le Qatar, parrain des Frères musulmans (et donc de leur branche palestinienne qu’est le Hamas) incarne à merveille la synthèse entre l’islam politique et l’islam jihadiste. L’islam d’Europe est donc aujourd’hui soit dans les mains d’Etats étrangers ou d’organisations islamistes mondiales (ISESCO, LIM, Milli Görüs ; Tabligh, OCI, etc) voire les deux à la fois et il est de ce fait déjà hors contrôle. Il n’y a pas d’islam d’Europe ou d’islam français. Le modèle à suivre pourrait être celui de l’islam autrichien, qui permet de couper les vivres aux Frères musulmans et aux pôles de l’islam politique tout en assurant une extrême vigilance vis-à-vis des personnes radicalisées. L’Autriche a beaucoup progressé en la matière. Mais nous sommes loin d’avoir frappé aux portefeuille et aux réseaux associatifs des Frères comme l’a fait l’Autriche depuis 2014… Malgré l’intelligence et l’efficacité des services de police, la Justice, les médias, les politiques locaux compromis (« pax islamica » des quartiers) et les services sociaux ne jouent pas le jeu en France et agissent souvent comme des facilitateurs. On peut craindre le pire pour l’avenir. Jacqueline Eustache-Brinio : Ce phénomène s’accélère aussi dans nos prisons effectivement. Il y a des ennemis de la République au sein des centres de détention. La loi post-attentats de 2015 a permis de voir qu’il y en avait un certain nombre en prison. Mais en réalité, nous avons un combat idéologique à mener partout dans notre pays contre l’islamisme. Si nous ne sommes pas tous d’accord pour mener cette lutte idéologique face à l’islamisme, notre pays est menacé d’explosion.
Suite à l’attentat dans la ville d’Arras ayant ciblé un enseignant et après la décapitation de Samuel Paty, quid de la situation au sein de l’Education nationale ? Gabriel Attal a annoncé notamment que 179 élèves ont perturbé la minute de silence organisée lundi en hommage au professeur assassiné à Arras. Jacqueline Eustache-Brinio : Il n’y a en réalité que 179 cas qui ont été remontés officiellement. Un plus grand nombre d’incidents ont réellement eu lieu. L’Education nationale a un double problème, d’une part avec les atteintes à la laïcité et d’autre part le défi de la formation des enseignants. Au sein de l’Education nationale, les jeunes professeurs n’ont pas été formés de la même manière à la laïcité. Le concept de laïcité ouverte est souvent évoqué. Or, elle ne s’adjective pas. La formation d’une partie des jeunes enseignants les pousse à être tolérants sur une partie des revendications communautaires et religieuses. Il est donc vital de se poser la question sur la formation des enseignants afin d’éviter une crise au sein de l’école laïque et républicaine. Il est urgent de se poser cette question et d’y apporter des solutions. Quelles pourraient être les solutions politiques ? La loi immigration peut-elle apporter des réponses ? Jacqueline Eustache-Brinio : La loi immigration ne va pas tout régler. Tout va dépendre du contenu du texte final. Une partie de la classe politique ne veut pas faire de liens entre insécurité, violences et immigration. Ce déni-là est un déni coupable pour les années à venir. Le clientélisme politique vis-à-vis des islamistes doit être dénoncé. Ce clientélisme tue notre démocratie et notre liberté. Il va falloir s’armer de courage et oser dénoncer cette emprise. La France, une, indivisible et laïque, est fortement menacée.
En quelques années, le phénomène a-t-il pris de l’ampleur et s’est-il aggravé ?
Jacqueline Eustache-Brinio : Il y a clairement une aggravation. Un exemple concret concerne les chiffres de l’abaya entre 2021 et la rentrée 2023. Gabriel Attal a été obligé d’avoir un discours enfin clair, même si cela ne va pas tout régler. La fermeté et la force permettent d’exister et de préserver notre modèle. Si nous avions eu des discours plus clairs et fermes depuis quelques années, nous ne serions sûrement pas dans la même situation. Le « et en même temps » est le plus grave danger pour notre pays.
La clarté et la lucidité politique pourraient-elles apporter des solutions concrètes face à cette crise ? Jacqueline Eustache-Brinio : La clarté et la lucidité que je peux avoir doivent être partagées par tous. Cela n’est pas un combat droite – gauche mais un combat qui repose sur l’unité et l’avenir de la nation.
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