Macron et le Référendum : étincelle dans la poudrière, ou reset ? Le débat tant attendu sur l’immigr
Alors que les Gilets jaunes demandent massivement l'instauration du référendum d'initiative populaire (RIC), Alexandre del Valle explique pourquoi la consultation populaire sur l'immigration n'aura, elle, pas lieu.
Soupçonné d’être un abus « démagogique populaire », le référendum remis à l’ordre du jour par les Gilets Jaunes n’est pas une nouveauté, pas plus que les critiques à son encontre. En revanche, le contexte est inédit, les circonstances sérieuses, le motif légitime. Et continuer à s’y opposer s’apparente de plus en plus à un déni de démocratie, en tous cas à une défiance à l’égard du peuple dont les « instincts primaires » et les pulsions sécuritaires et identitaires sont redoutées par les « élites éclairées ». Il est vrai que celles-ci ont été échaudées par le référendum sur le Brexit qui a précipité entre autres la démission de David Cameron en 2016 et ouvert la boite de Pandore des autres exit. On se souvient aussi en France du référendum de 2005 sur le projet de Constitution de l’Union européenne. En réalité, les élites semblent surtout craindre que le peuple trouve à exprimer son mécontentement.
Participation directe du peuple, à condition qu’elle aille dans le « bon » sens...
En mai 2018 l’Irlande avait voté à 66% l’amendement de sa Constitution pour permettre l’accès à l’avortement. L’écho médiatique avait été positif : on saluait l’avancée « progressiste », le respect « du droit des femmes ». Les récits poignants, notamment sur les faiseuses d’anges, avaient été relayés pendant des heures. Le nom de Savita Halappanavar, morte d’une infection suite à une fausse couche et à qui on avait refusé l’avortement, avait été scandé par la foule des femmes réunies dans la cour de Dublin Castle alors qu’on annonçait les résultats. Ce référendum-là a donc avoir été «bien vu ». En Suisse en 2009, un référendum d’initiative populaire – tout à fait courant dans le pays – avait quant à lui signé l’interdiction de la construction de minarets. À peine un mois auparavant, la Commission européenne contre le Racisme et l’Intolérance (ECRI) avait publié son quatrième rapport sur la Suisse. Dans la section « Racisme dans le discours politique », l’ECRI se disait « heureuse » de noter l’opposition fréquente des autorités fédérales suisses à ces propositions de référendum, expliquant qu’elles enfreignent « risquent d’enfreindre les droits de l’homme, comme dans le cas d’une demande de référendum visant à interdire la construction de minarets ». Comme si ce signe de conquête islamique - qui n’est aucunement une nécessité pour la pratique de l’islam - était un « droit de l’homme »… Le référendum suisse – et son résultat – était ainsi classé par l’ECRI parmi les tentations « xénophobes » et « intolérantes ». Outre la différence juridique (référendum constitutionnel dans le cas irlandais, référendum d’initiative populaire dans le cas suisse), ce qui oriente l’attitude de nos élites dirigeantes hostiles aux votes référendaires et donc aux penchants des peuples, est illustré à merveille par les mots tenus par l’ancien président français à propos du référendum de 2005 la « Constitution européenne » : « c’est une bonne idée d’avoir choisi le référendum, à condition que la réponse soit oui » ! on voit bien ici que la crainte des « grands » est avant tout que le peuple fasse le « mauvais » choix.
Le cas du référendum positif sur le Brexit ou la diabolisation des eurosceptiques
Au Royaume-Uni, le référendum sur la sortie de l’Union européenne s’est soldé par la débâcle que l’on connaît, orchestrée surtout par l’Union soucieuse de « réparer l’affront » et d’assurer qu’il ne se reproduise pas. La presse britannique (Le Guardian en particulier) s’était ainsi déchaînée dans maints articles d’une violence inouïe, contre la « mauvaise » moitié du peuple, « europhobe, nationaliste », donc « raciste, xénophobe », quand ce n’est pas « crédule, passéiste, repliée sur même, inculte , et même analphabète. Nombre d’« expatriés » britanniques venus à Bruxelles travailler au sein de l’Union européenne avaient, à l’époque, versé des larmes de désarroi devant la « bêtise » et « l’intolérance » de leurs compatriotes restés au pays. D’ailleurs, dans l’immédiat après-vote, les discussions allaient bon train qui remettaient en cause la majorité eurosceptique sous prétexte qu’elle n’était pas « vraiment » majoritaire (3,78 % séparant le oui du non). On avait d’ailleurs déjà vu des réactions similaires lors de la victoire de Donald Trump lors de la présidentielle américaine, quand, brusquement, fut remis en question un système électoral pourtant bien établi et qui, avait d’ailleurs mis Bush et Obama au pouvoir deux mandats consécutifs.
Le point commun de ces différentes situations est qu’il faut que les choses aillent toujours dans le « bon » sens, celui des élites « éclairées » qui craignent les « passions tristes » et les « instincts » identitaires des peuples qu’ils ont pour « mission » de « rééduquer ». Or il se trouve que cette rééducation permanente par la « correction politique » est de moins en moins tolérée par la majorité des citoyens des pays occidentaux qui n’ont plus vraiment l’impression d’être encore en démocratie. Que ce soit le progressisme forcené – qui a d’ailleurs éclaté la société en une multitude de minorités ; l’intégration à l’Union européenne ; le règne des GAFA ; les dérives supraconstitutionnelles des instances internationales et européennes qui stigmatisent toute politique stato-nationale régalienne et toute politique identitaire jugée « non conformes », la « bonne » direction est vécue par les peuples méprisés et dépossédés de leur théorique souveraineté populaire comme une course jusqu’au précipice.
Derrière le référendum, les « dangereuses passions » du peuple ?
À la suite du vote du Brexit de juin 2016, les peuples pris de fièvre latiniste, ou plutôt les représentants de mouvances patriotiques et souverainistes qui ont le vent en poupe, s’étaient tout à coup sentis encouragés à décliner le résultat britannique aux cas d’autres pays « éligibles » : Grexit, Frexit, Swexit, Italeave, Portugo, Extonia, et même « catalanexit », la liste étant aussi longue que créative. L’Union européenne souffletée découvrait ainsi que les bas-fonds populaires recelaient des remous inquiétants. Les doléances étaient souvent le signe d’un même désaveu d’une organisation supranationale à laquelle les citoyens ne se sentent plus – voire ne se sont jamais sentis – rattachés, mais dont l’existence se rappelle à eux à coup de décisions, déclarations, traités et autres accords, dont on ne leur fait part que lorsqu’il est déjà trop tard. Cette politique du fait accompli ou le rejet croissant de l’Union européenne qui en découle ne sont pas les seuls déclencheurs de l’appel à l’instauration d’un référendum d’initiative citoyenne (R.I.C.) mais ils sont conséquents. La critique de l’idée même de référendum est révélatrice de l’idée que les élites se font du peuple. Stéphane Guérini, secrétaire général de LREM, y voit un outil puissant, intéressant peut-être, mais surtout « dangereux » aux mains du peuple. Comme le relève habilement Louis Nadau dans Marianne, c’est ne pas voir que le RIC, prévu par la Constitution française, est si bien encadré que les « dérives » envisagées par Guérini – par exemple un référendum version Speed sur la castration chimique pour les violeurs, qui se solderait forcément par un oui massif d’après lui – ne pourraient pas avoir lieu. Pareil pour Olivier Duhamel, qui « craint » des référendums à tout-va allant de la suppression des limitations de vitesse à la torture des terroristes en passant bien sûr par la case de la peine de mort. Vraiment, le peuple n’a pas bonne presse, et on ne sait trop d’où vient cette sainte terreur qui fait croire que la masse n’est que pulsions, erreur, dangers, alors que c’est elle qui, majoritaire et théoriquement souveraine en démocratie et a fortiori en République, paie ses impôts sans coup férir, intègre à tout va, finance l’immigration, développe, consomme, paie de ses sacrifices les fonctionnaires et la Caste intouchable des Juges, Énarques et Politiques qui nous gouvernent, bref fait tourner tout un pays.
L’appel au référendum: justement parce que la loi fait défaut
Il ne s’agit pas tant pour le peuple de faire « sa » avec le retour souhaité du référendum loi que de faire un rappel à l’ordre, et peut-être aussi remémorer aux élus leurs obligations et devoirs. Ces dernières années ont vu des élus et des candidats se comportant comme si la probité, une certaine morale, le respect de leur mandat d’élu, n’avaient tout simplement plus cours. Affaires judiciaires de plus ou moins grande ampleur, soupçons de négligence, propos contradictoires n’ont fait qu’accroître le désillusionnement du peuple alors même que les citoyens sont aux prises avec des situations de plus en plus difficiles au quotidien, financièrement certes, mais surtout du point de vue de leur appartenance à une société qu’ils ne reconnaissent plus comme la leur.
Et cela dans un contexte où le terrorisme islamiste, qui exige des mesures fortes et un discours clair, a cristallisé la question identitaire que la société française traversait par ailleurs depuis de longues années. La chute de popularité d’Emmanuel Macron dans un contexte de réformes fiscales aberrantes (impôt sur la fortune décapité et remplacé par une taxe carbone qui frappe les classes moyennes de plein fouet), d’une image dévoyée de la France (fête de la musique), de déclarations qui ne cessent de susciter le dégoût et l’indignation (« pas de culture française »), événements qui laissent à penser qu’il n’y a plus de loi que celle que font les élites pour elles-mêmes, au détriment des Français. Le Pacte (fort controversé) sur la migration (voir nos articles dans VA à ce sujet) peut avoir été de ce fait la proverbiale goutte d’eau faisant déborder ce qui ressemble de moins en moins à un vase et de plus en plus à une citerne géante. D’évidence, il est lui aussi l’illustration de ce qui se fait très loin du peuple, et peut-être même de plus en plus contre celui-ci.
L’appel vain des gilets jaunes en faveur d’un référendum sur la question migratoire et identitaire
La France est depuis le début un membre important de l’Union européenne, des Nations Unies et du Conseil de l’Europe, trois organisations supranationales dont le projet initial paraissait louable, mais qui e peut que s’éloigner de l’intérêt du citoyen français. Quand le citoyen « lambda » a le malheur de s’interroger, il s’en trouve toujours pour lui faire remarquer qu’il ne sait pas tout, qu’il n’a « pas compris », que c’est plus complexe que cela, que certes la France a signé telle déclaration mais en mettant des réserves sur telle et telle clause, bref qu’il faut laisser décider les élites pour les gueux et les rustres... Il y a ainsi toujours moyen de se sentir bête et incapable de comprendre ce qui se joue au-dessus de nos têtes. Au départ, les Gilets Jaunes semblaient n’être que la manifestation de personnes «lambda » résignées à ce qu’elles « ne comprenaient rien », mais qui ressentaient beaucoup et entendaient faire connaître leurs doléances.
Et c’est sur cette dernière légitimité qu’elles pouvaient se tenir droit sur leurs jambes dans les rues de France. Plus maintenant. En ce sens, l’appel à un référendum d’initiative populaire est le signe que les Gilets Jaunes veulent que « ça les regarde », qu’ils soient présents « pour de vrai » dans une partie géante, globalisée. La crainte des gens prompts à soupçonner le peuple d’avoir des « passions » dont il faut se défier, qu’il faut garder en respect, le mors aux dents, est d’autant plus infondée ici qu’en fait de passions déchaînées, les Gilets jaunes ont en fait des revendications pas farfelues du tout et qui recueillent le consensus d’une grande majorité de citoyens. Michel Onfray se faisait ainsi récemment le relais d’un tract ramassé dans les rues de Paris, et commentait par ces mots : « Qui dira qu'il n'y a pas là d'intelligence pratique?” En effet, on ne voit pas comment il serait possible de refuser le débat demandé par les Gilets jaunes quand ceux-ci demandent par exemple la « relocalisation de toutes les décisions dans les régions, les villes et les communes » ou encore une « vraie séparation des pouvoirs médiatiques et politiques ». Qu’on les approuve ou non, en effet, on ne peut manquer de voir dans leur appel une réaction aux manquements cruciaux des élites.
Il n’y a pas de « bruits » de bottes », mais un réel mécontentement qui gronde
La discussion sur le référendum n’est pas propre au peuple français. Elle est le symptôme d’une société où les citoyens savent que les décisions se prennent de plus en plus sans eux, et de plus en plus contre eux, alors qu’elles engagent leur quotidien, leur nation, leur culture, leur civilisation même, donc des questions existentielles. On sait que le Pacte global sur la migration a été négocié pendant plus de deux ans, avant qu’il ne soit finalement porté à la connaissance des intéressés, et encore, sous le label « non-contraignant » en guise d’information « consommateur ». En Belgique, le Premier ministre Charles Michel a estimé que la stabilité du pays valait ainsi moins que sa signature à Marrakech… non pour complaire au peuple belge, mais à des élites mondialistes et des lobbies minoritaires tyranniques et des médias déconnectés des citoyens lambdas ringardisés. Un syndrome « post-démocratique » qui frappe toutes les nations ouest-européennes régies par la doxa « cosmopolitiquement correcte ». Certes, la démocratie représentative possède une légitimité que très peu contestent, et le désaveu dont elle fait l’objet actuellement n’est pas le fruit d’une recrudescence « populiste », mais plutôt le résultat d’un désaveu d’une classe politique adepte de l’entre-soi et qui, sentant sa légitimité vaciller, est d’autant moins encline à écouter les voix d’en bas. D’où le durcissement de l’appareil répressif politiquement correct et les campagnes de diabolisation croissantes contre les mouvances et rares États occidentaux dirigés par des « populistes » ou des « nationalistes ». D’autant que l’histoire récente en montre le prix – exorbitant pour qui a d’abord à cœur de conserver son pouvoir. Le gouvernement de Matteo Renzi a dû démissionner suite au référendum constitutionnel italien de 2016, comme Cameron après le Brexit. Mais si l’enjeu des élites n’est que la conservation du pouvoir au mépris de la Nation, on peut s’attendre à de violentes surprises. La victoire de Trump contre l’establishment aux États-Unis, elle du Brexit au Royaume-Uni, ou encore l’accession de Jair Bolsonaro à la présidence du Brésil, ne sont peut-être encore que les signes avant-coureurs de quelque chose de bien plus profond. Sans oublier les « démocraties «illibérales » en Europe centrale et orientale. Les citoyens sont éreintés, et il est curieux qu’on ne juge leur opinion « valable » que lorsqu’elle confirme la visée des élites, et qu’on considère même « juste et démocratique » de les censurer s’ils contredisent leur gouvernement-élite « éclairé ».
Conclusion : le référendum sur l’immigration n’aura pas lieu
Sans surprise, le président Emmanuel Macron qui avait intelligemment évoqué le sujet de l’immigration et de l’identité parmi les préoccupations à aborder dans le cadre d’un grand débat national, dû faire marche arrière, face à certains poids lourds immigrationnistes et « progressistes » de son gouvernement : « Le risque, c’est de raviver des malentendus entre les Français d’origines et de religions diverses, les différentes communautés qui cimentent notre pacte républicain, et donc créer des divisions dont on n’a vraiment pas besoin en ce moment », s’est inquiété l’un d’entre eux ». De la même manière, le député LREM Matthieu Orphelin a estimé que « la question de l’immigration n’a pas sa place » dans la concertation souhaitée par le chef de l’État pour recréer le lien avec les Français. Même hostilité chez Laurent Berger, le leader de la CFDT, qui s’est opposé à ce qu’« immigration et identité profonde fassent partie des thèmes de discussion » du Grand débat annoncé par Macron.
L’une des craintes étant d’ailleurs que si pareille question reprend droit de cité, cela risquerait premièrement de contribuer à « faire le jeu de l’extrême droite » et de faire de l’immigration un thème de référendum… Pourtant, d’après un sondage de l’Ifop, un référendum sur l’immigration serait attendu, souhaité et donc appuyé par 76% des Français. Malgré un tel consensus, aucun gouvernement, conscient de ces chiffres, n’a jamais voulu d’y donner suite depuis que la préoccupation est devenue centrale dans les années 1980. De ce point de vue, la signature et l’adoption du Pacte Marrakech sur la migration a d’autant plus l’air d’une trahison. Or il semble que les citoyens soient de plus en plus à l’affût et que les tours de passe-passe qu’on ne cesse de leur jouer pour les priver de leur pouvoir décisionnaire sur les questions identitaires ont perdu de leur efficacité. Il est vrai que les sens s’aiguisent tout particulièrement dans les moments de crise, façon pour l’organisme de renforcer ses chances de survies.
L’hypersensibilité citoyenne de ces derniers mois doit par conséquent être moins comprise comme le retour de « mauvais penchants populaires » que comme la réaction prévisible de citoyens aux abois dans un environnement national – et international – qui est perçu par eux comme étant de plus en plus préjudiciable. Ce n’est donc certainement pas le référendum qui menace la démocratie, mais l’abandon par les dirigeants de leur rôle politique, l’ascension d’une Europe des juges, l’idéologisation paroxysmique de toutes les sphères de la vie publique et privée, tous les manquements et torsions qui ont mené la société civile à ce point de désespoir. Bref, si la supra-société cosmopolitiquement correcte et post-démocratique à laquelle adhèrent nos élites mondialisées agoraphobes craint à juste titre le référendum, ce dernier est sans doute la dernière chance pour les uns et les autres de continuer à vivre ensemble, car la fracture grandissante entre peuples et élites ne peut mener à terme que sur un chaos à côté duquel la révolte des gilets jaunes n’aura même pas été une rigolade…
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