La vérité sur le Milli Görüs et l'islamisme turc néo-ottoman à l'assaut de l'Europe
Alexandre del Valle revient sur l'association Milli Görüs au coeur de nombreuses polémiques sur le financement de la mosquée de Strasbourg par la mairie EELV ainsi que sur son projet d'école à Albertville. Milli Görüs a finalement retiré sa demande de subvention pour le projet de la mosquée, selon des précisions de la maire de la ville de Strasbourg ce vendredi.
Le Milli Görüs a fait couler beaucoup d'encre depuis les scandales de financement de sa mosquée de Strasbourg par la mairie EELV (2,5 millions d'euros), et de son projet d'école islamique d'Albertville. Son pédigrée anti-occidental, antisémite et violemment anti-laïque ne laisse pas de doute sur sa nature totalitaire. Alors que la loi contre le séparatisme visant à "conforter les principes républicains" a été adoptée et renforcée le 12 avril par le Sénat, la question que l'on peut se poser est pourquoi le Milli Görüs et toutes les organisations islamistes opposées aux valeurs des sociétés "infidèles" ne sont pas définitivement interdites et leur idéologie bannie, comme pour le nazisme et le révisionnisme?
Le 12 avril dernier, le Sénat, en majorité de droite, a adopté le projet de loi et l'a même nettement durci, avec des amendements sur le voile, l’université et la possibilité pour les préfets de bloquer les financements et autorisations de mosquées ou d'écoles au nom de la défense des "intérets nationaux". Depuis des mois, et surtout depuis qu'Emmanuel Macron, très remonté contre Erdogan et ses campagnes de boycott contre la France qui ont suivi l'assassinat de Samuel Paty et la défense de Charlie Hebdo par le président, les mouvances islamistes turques comme le Milli Görüs, jadis discrètes, ont rejoint le panthéon de l'islamisme qualifié de "séparatiste" et hostile aux valeurs fondamentales de la France, aux côtés des salafistes, des Frères musulmans ou du Tabligh indo-pakistanais. Ce dernier a d'ailleurs refusé, comme les centrales turques représentées au CFCM, de signer la Charte des principes de l'islam de France.
A la lumière de ces faits, la question que l'on peut se poser est la suivante: pourquoi les concepteurs de la loi sur le séparatisme, et même le gouvernement, qui assurent vouloir lutter contre l'islamisme radical, n'ont pas proposé d'interdire toutes les mouvances islamistes radicales, de remplacer leurs imams hostiles à nos valeurs et partisans de la charià par des imams respectueux des lois et coutumes françaises et occidentales, et donc de bannir une fois pour toutes l'idéologie même de l'islamisme, comme cela a été fait pour le nazisme et le révisionnisme avec des lois appropriées? Certes, nombre des associations islamistes qui ont pignon sur rue en France pratiquent à merveille la Taqiya et savent très bien masquer leur adhésion à l'idéologie islamiste derrière un discours victimiste, et certains disent qu'il est impossible d'interdire une organisation pour sa seule idéologie sans que des actes illégaux précis n'aient été constatés. Les lois sur le racisme, l'antisémitisme et le révisionnisme prouvent le contraire. ET pour revenir au cas Milli Görüs, qui gère 80 mosquées turques en France, 11 établissement et qui va en ouvrir 10 autres l'année qui vient, il suffit d'opposer aux déclarations de ses dirigeants, qui se font passer pour des "victimes de l'islamophobie" et prétendent accepter les valeurs de nos sociétés, le fait qu'ils n'ont pas signé la Charte de l'islam de France et surtout leurs propres textes de référence qui annoncent clairement la couleur totalitaire et subversive.
Qu'est-ce donc que le Milli Görüs?
Créé en 1969 par l'opposant l'islamiste turc Necmettin Erbakan, mentor d'Erdogan, mort en 2011, mais toujours vénéré au sein du mouvement, le Milli Görüs signifie en turc "Vision de la nation-Communauté", sous-entendue islamiste, équivalent de la Oumma sans frontière appelée à être réunie un jour dans un Califat. Et il n'est pas, contrairement à ce qui est dit dans la presse depuis des semaines, une simple émanation européenne de l'AKP du président turc Erdogan. C'est en fait historiquement l'inverse, car lorsque qu'Erbakan a créé son mouvement, essentiellement à partir de l'Allemagne, où avaient trouvé refuge dans les années 1960-70, nombre d'opposants islamistes turcs combattus en Turquie par les kémalistes, l'AKP n'existait pas, et les cinq partis islamistes successifs qui ont réintroduit l'islam politique en Turquie à partir des années 1980, après des années d'interdiction, sont tous des émanations du Milli Görüs international, dont le centre névralgique est depuis les origines en Allemagne.
Cette maison-mère de l'islamisme turc néo-ottoman y a collecté depuis des décennies des fonds auprès de la diaspora turque, fonds qui ont permis ses succès politiques des années 1990-2000 avec les partis islamistes émanant tous du Milli Görüs ou de ses anciens membres : MSP, Fazilet, Refah, AKP, Saadet. Avant l'ère Erdogan, Necmettin Erbakan, décédé en 2011, fut longtemps le politicien islamiste turc le plus influent, et il était encore plus ouvertement radical qu'Erdogan, son disciple le plus talentueux qui a dépassé la maître jusqu'à le rendre jaloux. Le dernièrement créé Saadet, parti politique officiel du Milli Görüs, a d'ailleurs été créé par les partisans d'Erbakan en réaction au fait qu'Erdogan, ex-maire islamiste d'Istanbul emprisonné en 1998 pour incitation à la haine religieuse par les militaires laïques, a pris le pouvoir en 2002 en faisant cohabiter des anciens du Milli Görüs avec des conservateurs jugés pas assez islamiques. Bref, la vérité n'est pas que le Milli Görüs émane de l'AKP d'Erdogan, mais qu'il considère ce dernier comme édulcoré et pas assez orthodoxe religieusement... De son nom officiel européen Communauté islamique Milli Görüs (ICMG), le Milli Görüs est en fait avant tout une association turque islamiste mondiale, pendant turco-européen des Frères musulmans, et pas une excroissance de l'AKP ou d'un parti turc, d'où la malice des dirigeants du Milli Görüs qui peuvent, sans mentir vraiment, affirmer qu'ils n'ont pas de liens structurels avec la Turquie et le pouvoir d'Ankara. Le Milli Görüs est en fait de l'organisation islamiste la plus influente d'Allemagne et le plus puissant groupe islamiste opérant au sein de la diaspora turque en Europe.
Il exploite 514 mosquées et centres culturels dans onze pays européens et le nombre total de ses membres en Europe est d’environ 87 000, dont 30 000 rien qu'en Allemagne, d'où sont recueillis l'essentiels des fonds. L'organisation estime qu'environ 300 000 personnes en Europe assistent à ses services religieux chaque semaine. Nommé officiellement Islamische Gemeinschaft Milli Görüş (IGMG) en Allemagne, la branche française, bizarrement toujours membre du CFCM qu'elle codirige, se nomme officiellement Confédération islamique Milli Görüş (CIMG). Cette mouvance est en pleine expansion en Europe, en Occident et même en Afrique et en Asie centrale, et elle mérite d'être mieux connue car son ADN idéologique est aussi radical et hostile aux valeurs de nos sociétés ouvertes "impies" que le sont les Salafistes ou les Frères musulmans.
Nostalgie du Califat ottoman et lutte contre les complots "judéo-maçonniques" anti-musulmans...
Outre le fait que le Milli Görüs, membre du CFCM, a refusé de signer la "charte des principes de l'islam de France" et qu'il adhère à une vision suprémaciste-conquérante anti-occidentale inspirée des Frères musulmans et des grandes confréries islamistes turques nostalgiques du Califat ottoman, le Milli Görüs est fondé sur l'idée d'une "mission spéciale" des Turcs musulmans sunnites ayant vocation à redevenir les leaders du monde islamique, au nom de la mémoire du sultanat et du califat ottoman qui dirigea le monde musulman sunnite du XV ème siècle à la création de la République laïque turque par Mustapha Kémal Atätürk en 1923. Pour le fondateur et leader du Milli Görüs, Necmettin Erbakan, ex-mentor de Recep Taiyyp Erdogan et père de l'islamisme moderne turc, le Califat islamique aurait d'ailleurs été aboli dans le cadre d'un vaste "complot juif mondial", par la main de l'apostat Atätürk, présenté (à tort) comme "juif masqué ("Domne" en turc), équivalent des marranes et véritable bête-noire des islamistes turcs et du monde entier. Ceux-ci reprochent sans surprise au père de la République turque laïque d'avoir été initié à la franc-maçonnerie et d'avoir acculturé les Turcs musulmans en imposant, par le nationalisme ethno-linguistique, la laïcité, le socialisme, les idées des Lumières et de la république française (piliers du kémalisme), les "idées anti-islamiques" des Juifs, des croisés chrétiens, des francs-maçons, des socialistes, des communistes ou à l'inverse des acteurs conspirationnistes de la "finance juive internationale"...
Bref, Pour le Milli Görüs, les pires diables à combattre jusqu'à la victoire finale incarnée par le rétablissement du Califat, sont ces "ennemis de l'intérieur", "traîtres à l'islam", que sont les laïcs ou "apostats" agents des Occidentaux et continuateurs d'Atätürk. D'où le fait que le parti le plus hostile tant à l'AKP d'Erdogan qu'aux idées du Milli Görüs est le parti historique d'Atatürk, le CHP, parti républicain du peuple fondé justement sur la laïcité (laïklik), et le nationalisme républicain antithèse du Califat ottoman. Dans ce contexte de lutte première contre les "ennemis proches" laïcisés, le Milli Görüs s'est étendu en Europe occidentale bien avant de gagner les premières élections en Turquie sous les couleurs de partis politiques. Le ventre-mou européen est perçu par le Milli Görüs comme une double opportunité: 1/ un territoire refuge ou base-arrière" à partir duquel la Turquie a été reconquise depuis les opposants en exil jusqu'aux victoires électorales de Erbakan et de son héritier Erdogan dans les années 1990-2000; 2/ une terre post-chrétienne "décadente", vieillissante, affaiblie, déracinée et pathologiquement culpabilisée identitairement destinée à être conquise par un islamisme turc vu comme l'avant-garde néo-ottomane de la Oumma mondiale. D'où la nécessité absolue d'empêcher l'intégration des musulmans turcs européens aux valeurs et règles laïques impies afin de les conserver comme des électeurs diasporiques intergénérationnels et d'en faire un noyau-dur de la future islamisation-conquête de l'Occident infidèle".
L'approche "gradualiste" du Milli Görüs, alliés structurels des Frères musulmans en Europe
Tout au long de sa carrière, Necmettin Erbakan a appelé au renversement du régime laïc kémaliste instauré par Mustapha Kémal Atatürk. Mais plutôt que d'adhérer à l'option révolutionnaire jihadiste violente, il a toujours préféré habilement une approche "gradualiste" ou «ascendante» du renouveau islamiste et de la réforme politique qui repose pour lui surtout sur la dawa islamiste, la prédication et l'éducation idéologiques. D'où l'importance vitale des projets d'écoles islamiques comme les 21 projets français. Fort de leur "stratégie par étapes", les prédicateurs et militants de Milli Görüs formés au sein de la diaspora des réfugiés politiques en Allemagne, ont joué un rôle extrêmement important dans la sape progressive des valeurs, institutions et principes kémalistes et dans la montée connexe de l'islam politique en Turquie au cours des quatre dernières décennies. Cette "patience" a fini par payer, surtout depuis l'arrivée au pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP) d'Erdogan en novembre 2002. D'évidence, c'est grâce aux forces islamistes installées en Europe et appuyées et parfois subventionnées par nos démocraties suicidaires que le Milli Görüs et d'autres mouvements islamiques nostalgiques du Califat ottoman comme les Confréries islamistes Naqshban et Suleymanci, également présentes en Europe, bénéficient aujourd'hui d'une influence sans précédent sur la vie religieuse et politique turque, même si les liens ont parfois été tendus avec l'AKP pour des raisons politiques et non idéologiques. Conscients de sa nature subversive, les services de sécurité intérieurs allemands ont souvent alerté, en vain, les dirigeants sur le fait que le Milli Görüs contribue à la radicalisation idéologique des musulmans appelés à ne pas aimer l'Allemagne et ses valeurs.
L’approche gradualiste du Milli Görüs s'est avérée en fin de compte fort payante, puisque ses diverses émanations ont réussi à transformer la société turque en prenant le pouvoir politique au niveau national dans les années 1990-2000. En 1996, Necmettin Erbakan est ainsi devenu le premier Premier ministre islamiste de Turquie, pendant que son mentor Erdogan était maire d'Istanbul au sein du même parti avant de créer le sien propre en 1999. Des années 1970 aux années 1990, la branche allemande de Milli Görüs s'est presque exclusivement consacrée à la collecte de fonds et à la propagande en vue de la réislamisation de la Turquie. Le Milli Görüs soutient théoriquement l'intégration socio-économique des musulmans en Europe, mais il rejeté fermement l'assimilation et toute intégration se traduisant par une laïcisation et exogamie avec les "infidèles". L'organisation insiste par exemple sur la nécessité de conserver coûte que coûte "l'identité islamique". Il dénonce vivement toutes les initiatives politiques visant à faciliter le processus d'intégration sécularisante comme une atteinte à l'identité musulmane. La revendication de la création "d'espaces alternatifs" aménagés, et même d'une "contre-société parallèle", justifiée comme nécessaire à la "survie culturelle", est pointée du doigts par les services de renseignements allemands depuis longtemps.
Promotion de la "conscience islamique" et liens idéologiques avec les Frères musulmans
Conscients de l'extrême efficacité de l'endoctrinement des individus dès le plus jeune âge, le Milli Görüs organise des séminaires, des week-ends ou camps d'été de formations, des colonies de vacances, des cours de Coran, et gère maintes écoles, bibliothèques et clubs divers de "l"après l'école", sans oublier les compétitions sportives et artistiques.
L'obsession déclarée est "d'inculquer aux enfants une identité islamique". Les librairies du mouvement sont également révélatrices: l'organisation distribue du "matériel éducatif" avec un agenda islamiste radical bien plus prononcé que ce qui est dit à l'adresse des élus et journalistes mécréants... Le site Web du Milli Görüs propose par exemple des centaines de livres et manuels publiés par l'Islamisches Zentrum München (Centre islamique de Munich), un haut lieu notoire de l'activité de propagande des Frères musulmans en Allemagne (MB). Les auteurs présentés dans ce magasin et dans les librairies de la mouvance comprennent le très radical Sayyid Abul Ala Maududi, idéologue de l'islamisme pakistanais et sud-asiatique qui a défendu l'idée d'un l'islam révolutionnaire anti-occidental et anti «apostats"; Hassan al Banna, le créateur des Frères musulmans; son gendre, Saïd Ramadan, qui a fondé les branches suisse et allemandes des Frères dans les années 1960, ou encore ses fils Tariq Ramadan, ou Youssef Al Qardaoui, auteurs de fatwas condamnant à mort apostats, blasphémateurs, juifs et homosexuels...
Le "Manifeste d'Erbakan" et du Milli Görüs : fanatisme, anti-occidentalisme, complotisme et antisémitisme...
Le manifeste d'Erbakan - et donc du «Milli Görüs» - a été publié en 1969. Il appelle à rejeter radicalement les valeurs laïques «occidentales» et à une opposition à toutes sortes d'idées économiques et politiques «infidèles». L'ordre du jour du manifeste est le renversement du système séculier kémaliste en Turquie et son remplacement par ce que Necmetin Erbakan a décrit comme un «ordre juste», terme codé habile permettant de promouvoir la charià sans tomber sous le coup de la loi laïque.
Dans un langage paranoïaque et manichéen, Erbakan décrit une lutte fondamentale entre «nous contre eux», «le bien contre le mal», entre le «Nous Pur islamique et le Eux mauvais que seraient l'Occident et les Juifs». Radical-tiers-mondiste consommé, son obsession était la désoccidentalisation totale de la Turquie et la lutte contre les "complots sionistes" et maçonniques omniprésents appelés à être déjoués et vaincus par un "nouvel ordre mondial islamique". Pour Erbakan, la technologie et les institutions qui ont rendu l'Occident moderne plus puissant que les pays musulmans seraient en fait à l'origine islamiques. Pour rétablir peu à peu la Turquie néo-califale islamique et réparer cette injustice, il plaide dans son manifeste - comme les Frères musulmans et l'islamisme radical pakistanais, ses modèles - en faveur d'une "union douanière musulmane", d'une "OTAN islamique", d'une "Organisation des Nations Unies islamique", ainsi que d'une "monnaie islamique unique mondiale". Il blâme le "déclin politique, économique et moral de la Turquie corrompue par les influences occidentales qui ont affaibli l'islam et le caractère islamique de la Turquie. Son conspirationnisme est profondément enraciné dans l'antisionisme et l'antisémitisme.
Sa vision du monde a été exposée très clairement dans une interview à Die Welt en 2007: "Toutes les nations infidèles sont une seule et même entité sioniste; Les juifs veulent gouverner du Maroc à l'Indonésie, les sionistes ont travaillé pendant 5767 ans pour construire un ordre mondial dans lequel tout l'argent et le pouvoir dépendent des juifs, le dollar américain est de l'argent sioniste, la «bactérie» juive doit être diagnostiquée pour qu'un remède soit trouvé; Les sionistes ont initié les croisades, les juifs ont fondé le protestantisme et l'ordre capitaliste; et Bush a attaqué l'Irak pour construire le Grand Israël, afin que Jésus puisse revenir". Les Juifs ont gouverné le monde. C'est une règle d'injustice, de cruauté et de violence. Ils ont une foi forte, une religion qui leur dit qu'ils doivent gouverner le monde. Le billet d'un dollar. C'est un symbole, une pyramide de 13 marches, avec un œil vers la pointe. C'est le symbole de la domination mondiale sioniste, derrière laquelle il y a un «parlement de 300» et 33 parlements rabbins, et au-delà d'autres, des dirigeants invisibles. Ils gouvernent le monde via l'ordre mondial capitaliste." Dans une autre interview accordée au journal arabe Al-Sharq al-Awsat, basé à Londres, Erbakan a déclaré: «Ne considérez pas les juifs et les chrétiens comme des patrons. Comment toute personne qui traite avec les Juifs peut-elle être un vrai musulman? » Dans un discours prononcé en 2010 devant un public de membres de Milli Görüs à Duisburg, en Allemagne, le fondateur du mouvement islamiste turc déclara qu'il n'y avait que deux types d'êtres humains: "ceux qui soutiennent activement le cause de Milli Görüs, et ceux qui ne le font pas"...
Quant au média quasi officiel du mouvement international Milli Görüs, le quotidien turc Milli Gazette, il ne fait pas de mystère sur l’ADN idéologique suprémaciste et totalitaire de l'idéologie erbakaniste: au début de 2008, Necet Kutsal, son rédacteur en chef, écrivait que "faire le djihad est le devoir de tout vrai serviteur de Dieu. Le but du jihad était la création d'un nouveau monde: Milli Görüs est bien plus que le slogan d'un parti politique. (...) vous devez remplir vos devoirs en tant que serviteur de Dieu. Cela commence par le Jihad. Le Jihad englobe tous les efforts pour l'accomplissement des commandements d'Allah et pour se tenir à l'écart de ceux qu'Allah a interdits. Le principal objectif du Jihad est l'établissement d'un monde juste islamique. Lorsque Milli Görüs parle de la création d'un nouveau monde, elle se réfère à cet objectif".
Radicalisme théocratique et antisémitisme existentiel, l'inquiétude des services de sécurité allemands
D'après le chercheur allemand Johannes Kandel, la littérature antisémite du Milli Görüs est "complète", tant celle, endogène, propre à la démonologie judéophobe chariatique typique de tous les groupes islamistes, que celle importée de l'antisémitisme complotiste européen désormais banni en Occident, notamment "Le juif international" de Henry Ford, ou les tristement célèbres Protocoles des Sages de Sion, vendus dans les foires du livre et librairies affiliées au Milli Görüs en Allemagne ou ailleurs. Le mouvement travaille d'ailleurs de concert contre les juifs sionistes et en faveur des "frères et sœurs palestiniens" avec l'organisation islamiste turque IHH (l'Organisation internationale de secours humanitaire), récemment accusée d'avoir convoyé des armes à destination de groupes islamiques armés en Syrie voisine, comme elle l'a fait en faveur du groupe terroriste palestinien de Gaza Hamas, pour lequel l'IHH oeuvre, sous couvert de collecter des dons pour "l'aide humanitaire à la Palestine". Les fonds de l'IHH sont en grande partie issus, selon les services anti-terroristes allemands, d'organisations radicales basées au Pakistan, au Yémen, au Qatar, au Koweit, ou encore jadis au Soudan, dont certaines auraient même parfois eu des contacts avec Al-Qaïda. Le président de la fondation IHH, Mustafa Yoldas, est d'ailleurs un membre actif du Milli Görüs. Les liens sont donc avérés et indéniables.
Inquiets, les services de renseignement allemands du Bundesverfassungsschutz ont ainsi publié en 2010 un important rapport sur le Milli Görüs qu'ils accusent de vouloir à terme "introduire la charia en Allemagne et oeuvrant ce faisant à la création de 'sociétés parallèles' (Parallelgesellschaften). Pour le CIJM, nom de la branche allemande du Milli Görüs, il s'agirait de "prôner la démocratie et la liberté religieuse pour masquer l'instauration de droits spéciaux pour les musulmans et la reconnaissance de la charia dans le système judiciaire allemand". Les services allemands s'alarment également du fait que "l’endoctrinement ciblé des jeunes a contribué à créer des environnements idéologiques propices à une radicalisation supplémentaire qui pourrait s’exprimer sous forme de violence politique". Un exemple est offert par le groupe islamiste allemand «Kalifatstaat» ou Califat, interdit et fort dangereux, et qui, bien qu'issu du Milli Görüs officiellement hostile au terrorisme, a explicitement approuvé les moyens violents comme suite logique des enseignements du Milli Görüs. Son fondateur, Cemaleddin Kaplan (connu sous le nom de «Khomeini de Cologne»), était un disciple spirituel officiel d’Erbakan. Bien que parfaitement au courant du radicalisme des "Kaplancis", Necmetin Erbakan organisa personnellement dans les années 1970 la réinstallation du mouvement Kaplan, interdit et combattu en Turquie pour attaques terroristes anti-Kémalistes, vers l'Allemagne. Erbakan a même facilité la mission de "prédication" de Cemaleddin Kaplan en l'aidant à devenir l'imam d'une mosquée Milli Görüs à Cologne. Kaplan ne s'est en fait séparé du Milli Görüs qu'en 1983, non sur le fond, mais pour protester contre la participation du mouvement aux élections législatives organisée par la République laïque turque honnie crée par l'apostat Kémal Atatürk. Après sa mort en 1995, son fils Metin Kaplan est devenu le chef du mouvement Kalifatsstaat et ce dernier conserve des liens étroits avec des membres européens du Milli Görüs.
Un victimisme outrancier mais qui semble tromper encore ceux qui ne jugent pas utile l'interdire le Milli Görüs
Comme on l'a vu ces derniers jours à Albertville et Strasbourg, la ligne de défense du Milli Görüs, lorsqu'il a été démasqué, a consisté à contre-attaquer en dénonçant les "islamophobes" et en puisant dans le registre toujours opportun de la victimisation. Selon le rapport précité du Renseignement allemand, le Milli Görüs "attribue par réflexe toute suspicion concernant les objectifs et l’idéologie de l’organisation au racisme et à la discrimination quotidiens auxquels les musulmans seraient soumis dans la société allemande et européenne, dépeignant ses membres comme les victimes perpétuelles du racisme, de la discrimination et de la violence généralisés dans une société intrinsèquement hostile aux musulmans". De ce fait, en exigeant des droits exorbitants pour les musulmans turcs et autres, puis en proposant une contre-société séparée du reste de la nation "mécréante" perçue comme menaçante et hostile, le Milli Görüs poursuit la même stratégie de guerre psychologique et subversive que les Frères musulmans, leurs alliés structurels et idéologiques partout en Europe, qui présentent la revendication de «sociétés parallèles» séparées et l'exigence de "droits spéciaux" comme une "nécessité de survie". Le rapport du renseignement intérieur allemand conclut ainsi: "le mouvement puise systématiquement dans le récit victimiste afin d'écarter toute allégation de contribution à la radicalisation". Auraient-ils tort de poursuivre cette stratégie de culpabilisation-diabolisation des mécréants si, après des années d'alerte des services de renseignements sur ces agissements, le Milli Görüs, les salafistes, le Tabligh, les Frères musulmans et autres groupes islamistes anti-occidentaux ont toujours pignon sur rue dans nos sociétés ouvertes à leurs ennemis déclarés qui les paient même souvent avec des deniers des contribuables?
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