La fin du régime syrien : prix de la guerre en Ukraine et en Palestine
Le 27 novembre dernier, le régime syrien, allié de l’Iran et de la Russie, trop occupés sur d’autres fronts, a perdu le contrôle d’Alep, deuxième ville de Syrie. Le 2 décembre, il a perdu la 4ème ville nationale (Hama), et le 6 décembre, la troisième (Homs). Au moment où nous écrivons ces lignes, une autre ville importante, au sud celle-là, est en train de tomber. Depuis 2018, Bachar al Assad n’a pas préparé son pays à une revanche pourtant prévisible des rebelles sunnites de l’Armée Nationale Syrienne (ANS), appuyée par Ankara, et des jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS), dont le noyau dur est l’ex-branche syrienne d’Al-Qaida (al-Nosra), qui sévit à Idlib (Nord-Ouest), sous contrôle turc.
Censée contenir les Jihadistes en vertu les accords d’Astana conclus avec la Russie et l’Iran, la Turquie d’Erdogan a trahi ses partenaires en aidant le HTS et l’ANS à attaquer le régime sous prétexte qu’Assad refuse un deal avec Ankara. Celui-ci visait à accorder à la Turquie un protectorat dans le Nord pour y reloger les 3 millions de réfugiés syriens qu’elle a accueillis et à réduire la puissance des YPG Kurdes et de leurs Forces démocratiques Syriennes maîtres du quart-Est de la Syrie, afin d’en finir avec cette base-arrière du PKK kurde de Turquie.
L’armée syrienne sous-équipée, démotivée et affaiblie par les années de guerre
Toutefois, contrairement au régime, les Kurdes ont avancé dans la province de Deir Ez-Zor, où les forces syriennes et iraniennes alliées se sont retirés. Après Hama, symbole de la résistance islamiste au régime depuis les années 1980, l’ANS et le HTS visent sont en train de prendre Homs. L’armée syrienne, sous-équipée, démotivée, affaiblie par les années de guerre, et qui ne s’est pas adaptée à l’arme déterminante des drones, recule partout en zone sunnite. Dans le sud de la Syrie, des groupes armés ont pris le contrôle du poste frontalier de Nassib avec la Jordanie, situé dans la province de Deraa. Revenue sous le contrôle du gouvernement en 2018, Deraa a justement été le berceau du soulèvement de 2011 contre Bachar al-Assad. Et Souweidia, la ville druze majeure, est également tombée aux mains des rebelles sunnites.
Le régime est désormais nu, sa chute est inévitable, et le pays va finir dans la partition, un partage entre Kurdes pro-américains à l’Est, une zone alaouite pro-russe à l’Ouest, et un émirat islamiste dirigé par Joulani dans la Syrie sunnite, si Joulani ne s’empare pas carrément de la zone alaouite si les Russes ne parviennent pas à l’empêcher. Quant à la Turquie, elle va réaliser son rêve néo-ottoman de protectorat dans le nord. La seule chance de survie de Bachar al Assad, s’il ne veut pas finir comme Kadhafi, est de trouver refuge en Russie, laquelle semble avoir lâché le régime.
Nombre de jihadistes syriens ou russophones qui se sont battus en Syrie ont ensuite combattu contre l’Ukraine
Le rôle de la Turquie est, on l’a vu, flagrant, et à présent assumé par Erdogan, qui se félicite ouvertement de la progression des rebelles sunnites et jihadistes vers Damas. Si certains voient la main d’Israël dans l’offensive contre le Régime de Damas, rien ne le prouve, même si les coups portés par Tsahal au Hezbollah, aux milices de Téhéran en Syrie puis à l’armée syrienne, ont favorisé l’assaut des HTS et de l’ANS. L’aide des Ukrainiens est quant à elle avérée : nombre de jihadistes syriens ou russophones qui ont combattu en Syrie depuis 2011 sont passés par l’Ukraine. Or Kiev combat le même ennemi russe et a intérêt à voir les fronts antirusses se multiplier.
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