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Islamistes sunnites ayant renversé Assad ou islamistes chiites de l’axe de la Résistance : qui est la pire menace pour l’Occident ?

Atlantico : Au regard de la situation en Syrie et au Proche Orient, quel est l’état des lieux des différents groupes qui composent les islamistes sunnites ayant renversé Assad ou les islamistes chiites de l’axe de la Résistance ? Quels sont les liens et les rivalités au sein de chaque camp ?




Alexandre Del Valle : Al-Qaïda et Daesh sont des organisations sunnites. Avant les différences de rivalités, il y a une différence idéologique relative. Les personnes qui ont créé Daech sont beaucoup moins influencées, voire pas du tout, par les Frères musulmans, contrairement à Al-Qaïda qui a été créée par un Palestinien, membre des Frères musulmans, Abdallah Azzam, un professeur en religion à l'époque où les Frères musulmans étaient proches de l'Arabie saoudite. Ben Laden venait du wahhabisme extrémiste mais il a été formé et influencé par la doctrine tiers-mondiste.


Daech a hérité beaucoup plus d'un courant salafiste. Même s'ils se ressemblent et ont pu collaborer ensemble dans les années 1980, les salafistes purs et durs doctrinaux et les Frères musulmans n'ont pas exactement la même doctrine, même s'ils ont des points communs. Les Frères musulmans sont beaucoup plus révolutionnaires et politiques. Même s'ils ne sont pas pour le nationalisme palestinien, ils sont plus impliqués dans la cause palestinienne que Daech.


Les Frères musulmans et Daech combattent le nationalisme palestinien. Ils ne s’impliquent pas réellement pour cette cause, mis à part le Hamas qui est très investi dans la cause palestinienne pour l'islamiser. Si les Frères musulmans sont liés au Hamas et s’il peut y avoir parfois des points de convergence entre des Frères musulmans combattants et des membres d'Al-Qaïda comme en Syrie pendant la guerre civile syrienne, il y a rarement des convergences entre les idéologues de Daech et ceux des Frères musulmans et d'Al-Qaïda. Daech est plus chimiquement pur.


Daech est essentiellement tourné contre les traîtres et les « mauvais musulmans », les chiites, les alaouites, les Druzes. Daech a une obsession anti-chiite très poussée. Cela avait été reproché par Ben Laden aux créateurs de Daech. Abou Moussab Al-Zarqaoui, qui était de la branche irakienne de l'ancêtre de Daech, était obsessionnellement anti-chiite. Plus les membres de ces groupes étaient salafistes, moins ils toléraient les minorités. Plus ils prônent un salafisme pur, moins ils peuvent supporter les « mauvais musulmans » ou les apostats.


Daech avait une priorité en Irak, tuer les chiites alors que Al-Qaïda avait un objectif en Irak, lutter contre les Américains. Daech a exporté sa cause à l'international. L’Etat islamique a commis des attentats en France dans le but notamment de recruter des candidats au djihad. Le grand leitmotiv de Daech est qu'un musulman n'a rien à faire en Occident. Il doit combattre dans les pays musulmans pour renverser les traîtres, selon Daech.


Al-Qaïda a un côté plus anti-impérialiste. Ces différences sont très importantes car cela explique pourquoi Daech n'aura jamais de lien avec l'arc chiite.


L'arc chiite est constitué de la Syrie, des milices irakiennes, des chiites, de l’Iran, du Hezbollah. Daech n'aura jamais de point de coopération avec eux. Al-Qaïda reste très anti-chiite mais a parfois eu de véritables collaborations avec l'Iran. Certains cadres d'Al-Qaïda ont parfois été accueillis sur le territoire de l'Iran chiite. Avec Daech, cela est impossible.


Olivier Roy : Le mouvement qui a pris Damas, le HTS, était au coeur des opérations. Al-Jolani, le chef du mouvement HTS, a eu un rôle clé dans la chute de Bachar el-Assad. Par le passé, Al-Jolani avait fait scission avec Daech pour rejoindre Al-Qaïda. Il a ensuite lâché Al-Qaïda. Il a rassemblé tous les groupes radicaux sunnites de la région, un par un, jusqu'à déclarer son autonomie dans la région de Idlib. Avec Daech, cela a été la guerre. Daech n'a pas pu supporter la scission, ils se sont battus, il y a eu des morts. Mais le HTS a gardé son autonomie. Avec Al-Qaïda, il n'y avait pas de guerre puisque Al-Qaïda n'a pas d'autres troupes dans la zone. Al-Qaïda a répudié Al-Jolani et le considère comme un traître. Le HTS est maintenant devenu un mouvement islamiste sunnite radical par excellence. Il y a de très nombreux petits groupuscules qui sont regroupés. Daesh est toujours là, dans les neiges de la frontière irakienne. Daech est en guerre avec tout le monde depuis le début, avec les Kurdes, avec Assad, avec le Hezbollah. 


Le HTS au coeur de la chute du régime d’Assad est donc le mouvement dominant au sein de la galaxie sunnite islamiste. Il est en guerre avec les chiites. Il y a un clivage total entre l’axe sunnite radical et l’axe chiite radical. Il n’y a que Hamas, qui repose sur une religion sunnite, qui est allié avec l'axe chiite. Cela s’explique car les intérêts du Hezbollah et du Hamas contre Israël convergent. Donc les sunnites attaquent l'axe de la résistance qui en gros rassemble les chiites et les hérétiques comme Bachar el-Assad. Il n'y a pas d'alliance.


Il y a trois principaux pôles. Tout d’abord le centre avec Idlib, Hama, Damas, Deraa jusqu'à la frontière jordanienne, sous le contrôle d’un mouvement sunnite radical. 

A l'Est, les Kurdes dominent une région où la population est largement arabe.


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