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L'entente russo-américaine est-elle possible ? Face au reset proposé par Trump avec Moscou, le p

La Russie représente la "plus grande menace" pour la sécurité nationale des Etats-Unis pour beaucoup de stratèges, intellectuels et politiques américains et atlantistes qui savent très bien que si la haine anti-russe diminuait au profit d'une alliance russo-européenne ou même russo-occidentale, s'en serait fini de l'OTAN et donc de la domination étatsunienne sur le Vieux continent.



Le 18 janvier dernier, le vice-président américain sortant, Joe Biden a déclaré, le jour même où Barak Obama le décorait dans un climat général de délire russophobe qui s'est emparé de la classe politique américaine tous bords confondus et qui est destiné à contrecarrer les velléités de rapprochement russo-américain voulues par le nouveau président Donald Trump, que la Russie « constitue la principale menace pour l’ordre libéral du monde occidental ».

Fidèle représentant de toute une caste politique, stratégique et médiatique qui n'a jamais remis à jours les logiciels hérités de la guerre froide et qui voit dans le nouveau nationalisme russe qui fascine tant d'Européens un obstacle insupportable au projet mondialiste, Biden a précisé sa pensée devant un parterre de représentants du libre-échangisme cosmopolitiquement correct réunis au Forum économique de Davos: « La principale menace (…) provient d’acteurs externes qui s’emploient à fracturer l’ordre libéral international (…).

Je ne vais pas mâcher mes mots, ce mouvement est conduit principalement par la Russie ». Biden mentionnait également la Chine ou la Syrie. Selon ce faucon russophobe que la volonté triennium de reste avec Moscou rend littéralement hystérique, le président russe Vladimir Poutine, « travaille avec tous les outils disponibles pour rogner le projet européen, il teste les lignes de faille entre pays occidentaux et s’emploie à faire revenir vers un système « défini en zones d’influence », tout en fustigeant les terribles « cyberintrusions » de la Russie dans « des partis politiques et chez des individus » aux Etats-Unis, Biden faisant allusion bien sûr à l'affaire du piratage d'un organe du parti démocrate et au soi-disant rôle de Moscou dans l'échec d'Hillary Clinton qui n'aurait été possible que grâce aux compromissions « traitresses » de Trump (« agent russe ») avec l'ennemi russe externe.

En fait, il ne faut pas mettre ces emportements anti-russes uniquement sur le compte d'une simple aigreur des démocrates américains qui n'ont pas digéré q'un populiste « pro-russe » ait été élu président des Etats-Unis alors qu'une démocrate partisane d'une nouvelle guerre froide et représentante de l'Establishment politiquement correct était donnée d'avance vainqueur. En réalité, la Russie représente la « plus grande menace » pour la sécurité nationale des Etats-Unis pour beaucoup de stratèges, intellectuels et politiques américains et atlantistes qui savent très bien que si la haine anti-russe diminuait au profit d'une alliance russo-européenne ou même russo-occidentale, s'en serait fini de l'OTAN et donc de la domination étatsunienne sur le Vieux continent. C'est ainsi que l'actuel chef de file des russophobes américains n'est même pas du camp opposé à celui de Trump, mais l'une des figures de son propre parti, John McCain, celui qui a relayé l'intox du rapport bidon d'un ex-agent britannique concernant les vidéos sous-la-ceinture relatives à Trump qui serait tenu à 100 % par les services de renseignements russes. Rappelons également qu'avant cela, c'est le très sérieux général Joseph Dunford, chef d’état-major interarmées américain, qui avait déclaré, lors des auditions au Congrès dans le cadre de sa nomination, citant le cas ukrainien, que la Russie présentait « la plus grave menace à court terme pour la stabilité du monde entier ».


Pour sa part, l'ex-secrétaire des forces aériennes américaines, Deborah James, avait affirmé de façon aussi claire que la Russie représenterait la « plus grande menace » pour la sécurité nationale des Etats-Unis, et que « l’Amérique doit donc augmenter sa présence militaire en Europe centrale et orientale pour contenir la menace russe croissante ». De son côté, le très russophobe et atlantiste ministre polonais des Affaires étrangères, Witold Waszczykowski, avait déclaré, lors de la conférence annuelle sur la sécurité « Globsec », organisée le 15 avril à Bratislava que « l’activité de la Russie est une sorte de menace existentielle parce que cette activité peut détruire des pays », « nous avons aussi des menaces non existentielles comme le terrorisme, comme les grandes vagues de migrants », de ce fait mises au second plan.

Plus récemment, c'est le pourtant russophile et nouveau secrétaire d'Etat américain nommé par Donald Trump, Rex Tillerson, ex-PDG de Mobil-Exxon, qui a été contraint de déclarer devant le Congrès américain lors de son audition que les Etats-Unis ne seraient probablement jamais "amis" avec la Russie. Le chef de la diplomatie américaine a dû faire preuve de russophobie devant la commission des Affaires étrangères du Sénat sous peine d'être invalidé par ses propres alliés du parti républicain qui était suspect d'être un proche du président russe Vladimir Poutine, mais qui a finalement « admis » que les "systèmes de valeurs" entre Washington et Moscou étaient "clairement différents".

Comment une telle folie stratégique a t-elle pu perdurer jusqu'à aujourd'hui et comment les stratèges américains peuvent ils à ce point se tromper d'ennemis ? Comment ces mêmes faucons américains qui ne ratent jamais une occasion de dénoncer l'ennemi russe peuvent ils autant se tromper d'amis et d'amis notamment en maintenant intacte l'alliance contre-nature avec les monarchies wahhabites du Golfe, la Turquie néo-ottomane membre de l'OTAN ou le Pakistan créateur des Talibans et parrain d'Al-Qaïda ?


Des logiciels de guerre froide inchangés : plutôt l'islamisation que l'alliance russo-occidentale...


En fait, depuis la fin de la guerre froide, et en dépit du fait indéniable que le totalitarisme islamiste a remplacé la menace russo-soviétique, on constate que dans les démocraties occidentales, ceux qui sont désignés comme les ennemis suprêmes de l'Occident et donc des « sociétés ouvertes » chères à Karl Popper, ne sont pas les monarchies du Golfe marraines du salafisme et du jihadisme, le Pakistan, parrain des Talibans et d'Al-Qaïda, les Frères musulmans, ancêtres des mouvements islamistes et instigateurs du communautarisme islamiste en Europe et du processus de « désassimilation », l'Organisation de la Coopération islamique (OCI), dont le plan d'islamisation-conquête du monde et de l'Europe est officiel mais qui a pignon sur rue dans nos sociétés comme les Frères, et encore moins la Turquie néo-ottomane qui rackette l'Union européenne avec son chantage sur les migrants illégaux, occupe illégalement le Nord de Chypre, viole chaque jour la souveraineté de la Grèce, puis aide les jihadistes en Syrie tout en étant membre de l'OTAN et courtisée par l'UE. Non, ces Etats ou entités qui se comportent depuis des décennies en ennemis objectifs de nos sociétés et aident ceux qui sont nos ennemis géocivilisationnels déclarés (islamistes radicaux) ne sont pas désignés et traités comme tel par nos dirigeants qui les courtisent. Par contre, la Russie post-soviétique et la plupart des Etats qui lui sont étroitement liés ou qui sont en guerre depuis des décennies contre l'islamisme radical et qui ne nous menacent pas sont systématiquement pointés du doigt et désignés comme ennemis de l'Occident, Vladimir Poutine battant tous les records de lynchage médiatique en tant que figure du Mal absolu pour l'Occident en tant que menace suprême pour ses valeurs. Notons que ni la Chine, qui persécute les Tibétains et qui est le numéro un pour le nombre de condamnés à mort annuels, ni les Etats du Golfe esclavagistes (Arabie saoudite, Qatar, Koweit) ou les Etats voyous comme le Pakistan qui persécute depuis des décennies ses minorités chrétiennes et autres et appuie les mouvements islamistes violents partout dans le monde, n'ont été frappés de sanctions comme l'a été et comme continue de l'être la Russie qui, elle, ne menace plus du tout (depuis qu'elle n'est plus soviéto-communiste) nos sociétés ni n'appuie ceux qui projettent de conquérir et soumettre les Occidentaux honnis à leur lecture salafiste de la charià.

Étonnamment, la plupart des régimes qui ont été désignés depuis la fin de la guerre froide comme les ennemis « les plus dangereux » de l'Occident et que les pays de l'Union européenne et les Etats-Unis ont tenté de renverser ou réussi à détruire ne sont pas ces monarchies théocratiques qui soutiennent les pôles de l'islamisme mondial sunnite neo-impérialiste, mais des régimes séculiers, anti-islamistes qui ne nous ont jamais agressés, comme la Serbie-Yougoslavie de Slobodan Milosevic, démantelée et bombardée par les pays de l'OTAN en 1998-1999 ; l'Irak de Saddam Hussein, bombardé en 1990, mis sous un embargo inhumain pendant 13 ans puis bombardé à nouveau en 2003 ; la Libye de Mouamar Kadhafi, détruite par des forces de l'OTAN après être pourtant devenue un partenaire efficace dans la lutte contre le jihadisme et l'immigration clandestine ; la Syrie des Assad, qui combat le même ennemi islamiste sunnite qui nous attaque ou encore la Côte d'Ivoire de Laurent Gbagbo, assiégée par des rebelles mafieux et islamistes du Nord depuis les années 2000 et que nous avons agressée militairement pour y installer des insurgés.

Ces régimes ne sont certes pas tous des exemples de vertus démocratiques, mais ils ne menaçaient toutefois aucunement les pays occidentaux sur leur sol, dans leurs existence ou même dans leurs valeurs. Ils ne leur avaient pas déclaré la guerre. Ils ne prévoyaient pas d'envahir ni de conquérir les démocraties occidentales, à la différence de nos étranges « alliés » du Golfe, d'Islamabad ou d'Ankara et autres Frères musulmans et Salafistes.


Culpabilisation européenne versus fierté néo-impériale islamique


Pendant que les Européens se repentent, toujours à sens unique d'ailleurs, ces partenaires-prédateurs ne cachent pas leur admiration pour les empires islamiques passés et ils inculquent à leurs coreligionnaires-sujets, y compris sur notre sol, la nostalgie de l'Espagne islamique (Al-Andalus) et le dessin de conquérir/islamiser bientôt Rome, la capitale des « croisés », puis l'Occident « infidèle » dans son ensemble. On nous rétorquera que ce dessein, qui a été affiché par le Calife Ibrahim (Abou Bakr Al-Baghdadi, chef supposé de Da'ech) comme but de guerre lors de son fameux sermon inaugural de Mossoul du 4 octobre 2014, n'est que celui de gangsters fanatiques ultra-minoritaires. Nous aimerions sincèrement qu'il en fût ainsi, et si cela est vrai pour les masses musulmanes, ça ne l'est pas pour la représentation de l'islam dans le monde et en Occident, car celle-ci est monopolisée par les grands pôles de l'islamisme mondial (Arabie saoudite, Qatar, Pakistan, Frères musulmans, Turquie d'Erdogan, OCI, etc), eux-mêmes partenaires de pays apparemment modérés comme le Maroc mais qui oeuvrent à la communautarisation des musulmans d'Europe, sommés par les imams de ne pas s'intégrer, donc pris en otage avec la complicité des dirigeants compromis ou aveugles de nos démocraties capitulardes.

Prenons l'exemple de l'idéologue de référence des Frères musulmans européens, Youssef Al-Qardaoui, président du Conseil Européen de la Fatwa et de la Recherche (chargé d'orienter les musulmans européens) et du conseil scientifique de l'Université de formation d'imams européens de Saint Léger du Fourgeret, puis co-président de la structure européenne des Frères musulmans, qui annonce aussi clairement ses buts de guerre que le Calife Ibrahim en appelant à la conquête de Rome et de l'Europe. En effet, dans une fatwa affichée sur le site islamonline et qu'il commente souvent et qui se réfère à un hadith célèbre, rappelle que Mahomet affirma que « la ville d’Héraclès sera conquise en premier, c’est-à-dire Constantinople », et que « Romiyya, ville aujourd’hui appelée ‘Rome’, capitale italienne, reste à conquérir, et nous espérons et croyons qu'elle sera conquise.

Cela signifie que l’islam retournera en Europe en conquérant et en vainqueur, après en avoir été expulsé deux fois: une fois d’Andalousie, au sud, l’autre fois à l’Est, après qu’il eut frappé à plusieurs reprises aux portes d’Athènes ». Al-Qaradhawi est souvent revenu sur ce thème dans son émission hebdomadaire d'Al-Jazira, ajoutant: « Peut-être que la prochaine conquête, avec la volonté d’Allah, se fera par la prédication et l’idéologie. Toute terre n’est pas obligatoirement conquise par l’épée…. La conquête de la Mecque ne s’est pas faite par l’épée ou la guerre, mais par un traité [de Houdaybia] et par des moyens pacifiques… (…). Nous voulons qu’une armée de prédicateurs et d’enseignants présentent l’islam dans toutes les langues et tous les dialectes... (…). Avec la volonté d’Allah, l’islam retournera en Europe, et les Européens se convertiront à l’islam. Ils seront ensuite à même de propager l’islam dans le monde, mieux que nous, les anciens musulmans. Tout cela est possible pour Allah ».


L'ennemi annonce la couleur mais les démocraties ne l'écoutent pas...

Du côté de l'Arabie saoudite (le « Da'ech qui a réussi », selon les propos de l'écrivain algérien Kamel Daoud), les buts de guerre de nos étranges « alliés » wahhabites sont tout aussi clairement affichés - comme jadis tous les conquérants et totalitaires que l'on ne prend jamais assez au sérieux - : c'est ainsi que le cheik saoudien Mohammed Ben Abd El-Rahman Al-Arifi, imam à la mosquée de l’Académie de la Défense du roi Fahd, débattant lui aussi de ce fameux hadith (jamais remis en question dans la jurisprudence sunnite), a rédigé un article sur le siteKalemat.org, dont l'extrait qui suit devrait suffire à mettre hors la-loi les mosquées et centres islamiques contrôlés et financés par l'Arabie saoudite si nos dirigeants avaient compris les intentions prédatrices de leurs partenaires du Golfe : « Nous contrôlerons la terre du Vatican ; nous contrôlerons Rome et y introduirons l’islam. Si bien que les chrétiens, qui ont gravé des croix sur les torses des musulmans au Kosovo, en Bosnie et dans divers endroits du monde avant cela – devront nous payer la jiziya [taxe payée par les non-musulmans chrétiens et juifs sous la charià, dans l’humiliation, ou se convertiront à l’islam… ».


La faiblesse psychologique et morale des Occidentaux


Ces quelques exemples parmi tant d'autres, impressionnants de clarté, montrent que sur le plan intérieur, une même cécité tout aussi stupéfiante et une même inversion des hiérarchies caractérisent la façon dont les Occidentaux définissent l'ennemi et la menace : ainsi, nombre de ceux (« autorités morales », dirigeants, médias, etc) qui invoquent en permanence la nécessaire « tolérance », le « droit à la différence », donc la « société ouverte » chère à Karl Popper pour justifier le multiculturalisme communautariste et la progression de l'islamisme en Europe ne cessent de désigner dans le même temps comme ennemis internes non pas les islamistes qui avertissent pourtant sans ambiguïté leurs objectif de conquête-islamisation de l'Occident de l'intérieur au moyen de la subversion et de son ouverture à sens unique, mais les forces politiques qui prétendent résister à ce phénomène de conquête, taxées tantôt de « populisme », tantôt de « racisme » ou « d'islamophobie », sous prétexte qu'elles sont hostiles à l'immigration extra-communautaire incontrôlée et à l'impérialisme islamiste.

Ainsi, des partis dits populistes qui gouvernent la Hongrie ou la Pologne, ou encore les souverainistes anglais du parti de Nidel Farage et même des personnalités politiques issues de partis de gouvernement qui ont osé parler d'identité ou de racines chrétiennes de l'Occident et de l'Europe (Nicolas Sarkozy, Jose Maria Aznar, Vladimir Poutine, Donald Trump, etc), sont soumis à une intense et implacable reductio ad hitlerum et voués aux gémonies. Dans le même temps, les mêmes eurocrates d'habitude si « vigilants » de Bruxelles et les dirigeants de l'UE continuent de plaider en faveur de l'entrée de la Turquie néo-ottomane dans l'Union et cèdent au chantage du Sultan irascible Recep Taiyyp Erdogan, qui n'est pas seulement populiste mais réellement dictatorial et dangereux pour nos démocraties et notre civilisation. Cette incohérence et cette dissymétrie qui fait que l'on tolère pratiquement tout de ce pays parce qu'il est membre de l'OTAN et protégé des Etats-Unis mais rien de la Russie qui ne nuit pourtant pas à nos intérêts mais qui continue d'être perçue par les stratèges anglo-saxons de l''OTAN comme l'ennemi majeur, mérite à elle seule de soulever la question la pertinence de l'Alliance atlantique telle qu'elle est formatée et orientée dans ses choix stratégiques par une vision désuète issue de la guerre froide.


Mieux vaut avoir tort avec Fukuyama que raison avec Huntington


Pour beaucoup d'âmes occidentales gagnées par l'utopie du « Village Global » qui croient, souvent sincèrement, que nous sommes tous des « citoyens du monde » et que la civilisation euro-chrétienne qui a colonisé les peuples du « Sud » et commis tant d'horreurs devrait expier ses fautes passées en se diluant dans le melting pot. La seule identité qui soit suspecte et qui n'ait pas droit au chapitre car mauvaise par nature semble être celle de l'homme blanc-judéo-chrétien européen. Celle-ci est en effet aussi souvent conspuée et culpabilisée que celle du « black is beautifull » ou du Califat de Cordoue sont encensées. En vertu de cette doxa inculquée aux Occidentaux depuis le plus jeune âge et donc collectivement intériorisée, l'ennemi ne peut donc pas être, par principe, issu d'une civilisation non-occidentale, notamment islamique, car non seulement l'Occident chrétien serait la « pire des civilisations », donc à remplacer à tout prix par un « village global » cosmopolitiquement correct. L'idée même du « choc des civilisations » ne serait qu'une invention des conservateurs chrétiens américains ou autres « racistes islamophobes » occidentaux » qui défendent une vision identitaire inacceptable par principe.


Ceci explique pourquoi il est presque obligatoire, au sein des élites politiques occidentales complexées par leur identité coupable, de dénoncer avec force la thèse du « clash des civilisations » formulée au milieu des des années 1990 par l'universitaire américain Samuel Huntington - dont peu de critiques ont lu l'ouvrage pourtant très argumenté et pondéré -, comme si le fait de diaboliser un médecin auteur d'un diagnostic déplaisant suffisait à rendre inexistant le mal... Ceci contredit tout d'abord l'adage populaire selon laquelle « la peur ne chasse pas le danger » et le fait que le réel n'est pas forcément ce que l'on voudrait qu'il soit, mais il convient de rappeler que le concept même de « choc des civilisations » fut lancé, bien avant son essai - par le célèbre historien et islamologue anglo américain Bernard Lewis, en août 1957, lequel affirma, lors de la crise du Canal de Suez : « les ressentiments actuels des peuples du Moyen-Orient se comprennent mieux lorsqu'on s'aperçoit qu'ils résultent non pas d'un conflit entre des États ou des nations, mais du choc entre deux civilisations.


Commencé avec le déferlement des Arabes musulmans vers l'ouest et leur conquête de la Syrie, de l’Afrique du Nord et de l'Espagne chrétiennes, le ‘Grand Débat’, comme l'appelait Gibbon, entre l'Islam et la Chrétienté s'est poursuivi avec la contre-offensive chrétienne des croisades et son échec, puis avec la poussée des Turcs en Europe, leur farouche combat pour y rester et leur repli. Depuis un siècle et demi, le Moyen-Orient musulman subit la domination de l'Occident - domination politique, économique et culturelle, même dans les pays qui n'ont pas connu un régime colonial [...]. Je me suis efforcé de hisser les conflits du Moyen-Orient, souvent tenus pour des querelles entre États, au niveau d'un choc des civilisations. Cependant, si les civilisations ne peuvent avoir une politique étrangère, les gouvernements, eux, se doivent d'en avoir une».


En fait, le tort de Samuel Huntington fut de décrire les risques de conflits identitaires qui ont resurgi avec la fin de la guerre froide, notamment le choc provoqué par l'islamisme anti-occidental conquérant et revanchard - constat pourtant plus que vérifié depuis -, puis d'affirmer que les motifs de conflits identitaires demeurent multiples et que le triomphe planétaire du modèle consumériste-libéral-démocratique occidental est loin d'être un acquis ou un gage de paix. Sa faute morale a été de rappeler de façon réaliste que la société pluraliste occidentale - fondée sur les droits de l'homme, la liberté individuelle et la tolérance - n'est ni surgie de nulle part, ni immortelle et qu'elle ne pourra pas survivre si elle n'est pas défendue face à l'offensive de ses ennemis civilisationnels et idéologiques avoués. Huntington a également levé le tabou majeur du politiquement correct en rappelant que l'Occident pluraliste n'est pas seulement fait de valeurs abstraites ou de consumérisme marchand, mais qu'il est de matrice gréco-latine et judéo-chrétienne, donc enraciné dans une civilisation située. De ce fait, la « citoyenneté sans frontières » que l'Occident a conçue et inculque pour faire de son passé identitaire table rase et assoir son cosmopolitisme libéral-marchand est un mythe, ou plutôt un luxe pour classes privilégiées nomadisées et une expérience productrice de frustration identitaire pour les masses. Huntington en conclut que le retour du refoulé identitaire et des conflits culturels est inévitable, y compris en Europe en réaction tant au terrorisme intellectuel de Mac World qui nie les identités, qu'à la progression de la menace multiséculaire que constitue l'Islamisme radical conquérant, idée qu'a fort bien développée l'un des plus brillants sociologues américains, Benjamin Barber, dans son essai Jihad versus Mac World.

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