Alexandre del Valle, « L’Europe puissante, c’est la défense de la civilisation »
Pour revenir à la très récente actualité, l’attentat au Sri Lanka en plein jour de Pâques démontre s’il le fallait encore, la persécution des Chrétiens dans le monde entier, et notamment en terres musulmanes et ce dans le silence coupable des médias et politiques occidentaux. Pourquoi l’omerta sur ce qui se passe avec les Chrétiens d’Orient est révélateur de l’état d’esprit occidental ?
L’attentat au Sri Lanka et contrairement à ce qu’affirment les médias n’est pas une volonté de représailles, de vengeance de l’État islamique par rapport à ce qui s’est passé en Nouvelle-Zélande à Christchurch. C’est donc tout à fait scandaleux que les médias occidentaux relaient cette information. D’ailleurs, peu importe l’origine de l’acte, peu importe si les morts sont de même confession, ils trouvent toujours un prétexte et c’est le sens de la phrase « Il faut venger la perte du Califat à Bahgouz » en Syrie. Le traitement médiatique du sort des Chrétiens d’Orient est assez révélateur de la logique autodestructrice civilisationnelle de l’Occident.
L’électoralisme dangereux de la gauche et de l’extrême-gauche avec les islamistes, est-il un suicide inconscient ?
Pour certains, il l’est. Pour d’autres, cela est tout à fait conscient. Conscient en ce sens, où ces gens pensent que l’histoire de l’humanité repose sur l’Homme blanc qui a dominé le reste des populations. Et pour eux, c’est donc naturel de laisser place à certains parce que la faute du passé est à réparer si on peut dire. Alors oui, cet électoralisme dangereux est parfois inconscient mais on peut penser aisément qu’il est tout à fait conscient. J’ai d’ailleurs déjà rencontré des personnes qui me disent clairement qu’ils se sentent coupables par rapport à cela.
Vous avez publié en 2018, La stratégie de l’intimidation : Du terrorisme jihadiste à l’islamiquement correct. Comment la « terreur » armée se complète-t-elle avec la « terreur » des mots et des situations en société ?
La terreur armée est celle facilement identifiable, de toute une série d’attentats en Europe. Lorsque les musulmans cherchent à dépasser la sphère spirituelle en politisant l’Islam alors il y a un problème. Mais beaucoup veulent rester dans cette sphère spirituelle en ne débordant pas sur le collectif. L’islamiquement correct est le fait de céder aux revendications communautaristes des frères musulmans et des salafistes. C’est imposer par les mots, une volonté d’appropriation de l’espace avec la complicité d’une volonté d’intégration qu’on pense inclusive et non exclusive. Or, il n’y a plus de vivre-ensemble dans nos sociétés. Il faut donc se méfier bien entendu des coupeurs de tête mais surtout des coupeurs de langue. C’est ce que j’appelle l’instrumentalisation de l’intimidation.
En restant sur cet « islamiquement correct », pourquoi en France et en Europe, il y a cette peur de nommer les choses ? Est-ce que c’est ce sentiment de culpabilisation comme vous le décrivez dans votre livre Le Complexe occidental, petit traité de déculpabilisation publié en 2014 ?
En parlant de complexe occidental, les islamistes jouent sur une supposée islamophobie croissante. Dès lors, ils veulent se venger par deux moyens : le terrorisme au sens propre du terme, c’est-à-dire tuer et l’islamiquement correct, par les mots. Ici, c’est de cela qu’il s’agit. L’Occident est culpabilisé et se culpabilise tout seul. On essaie l’intégration, on cède sur des pratiques, sur des mots. Il faut donc déculpabiliser l’Occident. Constater ne veut pas dire qu’il y a aura une guerre civile en France. Il faut trouver un moyen en Occident, de retrouver des manières de vivre qui favorisent le vivre-ensemble.
Cela passe par arrêter de céder à la culpabilisation permanente. Il ne faut pas monter les uns contre les autres. Mais encore une fois, aujourd’hui, on préfère accuser celui constate le conflit d’en être à l’origine. C’est tout de même assez paradoxal. Parce qu’on se dit antiraciste, on a cédé au communautarisme. Mais aussi, en cédant une petite part aux salafistes, on les laisse en réalité progresser dans nos sociétés occidentales. En Occident, il y a une idéologie qui souhaite renoncer à toute forme de patriotisme. Ceci est très dangereux.
Faut-il voir dans la continentalisation, un moyen de défense face au terrorisme islamique ? Une Europe puissante est-elle compatible avec l’OTAN ?
C’est une question très intéressante. On nous parle sans cesse de souveraineté européenne. Or je ne crois pas en une Europe totalement supranationale. Non seulement je n’y crois pas politiquement mais en plus de cela, je n’y crois pas parce que les États-Nations sont toujours au centre de la géopolitique et de la diplomatie. La continentalisation comme rempart serait donc possible si l’Europe était réellement une entité fédéraliste souveraine.
L’Europe n’a pas réussi et elle est un immense vide. L’Europe puissante n’est que compatible avec des États-Nations dans une coopération. L’Europe puissante, c’est la défense de la civilisation. Cette défense de la civilisation passe par la reconnaissance de ce qui nous a fait depuis les siècles. L’Europe n’a pas à être le vassal de l’OTAN. L’Europe ne sait pas où elle est. Pourtant c’est une civilisation inspirée du droit romain, de la philosophie romaine et de la pensée judéo-chrétienne. La défense face au terrorisme islamique, c’est donc dans un premier temps de défendre sa propre civilisation.
Les Nations européennes doivent être le moteur de la renaissance civilisationnelle. C’est ce que me disait mon Maître, le Général Gallois, gaulliste et résistant, il n’y a pas plus dangereux que la situation actuelle de l’Union Européenne. L’Europe n’est plus un ensemble d’États véritablement souverains. Les États ont perdu une partie de leur souveraineté. Cependant, l’Europe n’est pas non plus devenue un super État souverain. L’Europe est donc un no man’s land de souveraineté. Il y a un déficit de projet civilisationnel.
Enfin, qu’est-ce que la droite de demain selon vous ?
Je crois en une droite populaire. Une droite ancrée dans un projet qui correspond à des valeurs civilisationnelles et historiques. Je crois en une droite qui porte les Nations au cœur de la réflexion et du logiciel politique. Je crois en une droite qui prône l’indépendance des Nations et en la puissance des États. D’ailleurs, ce ne devrait pas être appelé la droite. Je crois en un courant plus large que ce terme qui rassemble une certaine vision de la France.
Propos recueillis par Guillaume Pot et Paul Gallard pour Droite de Demain.
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