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Qui se souvient du génocide anti-chrétien des Arméniens et des Assyro-chaldéens de 1915 ?


Ce négationnisme se traduit par la promotion, en Turquie, dans les écoles, comme à l'étranger (France, Allemagne, Suisse, au sein de la diaspora, etc), à travers les pressions diplomatiques, d’une vision révisionniste-complotiste de l'histoire accusant les victimes arméniennes d’avoir été les « vrais agresseurs » des Turcs durant la première guerre mondiale, en complicité avec la Russie et les puissances occidentales ennemies. Aux termes de cette incroyable et obscène inversion des rôles, la propagande négationniste turque, très active en France, vise à criminaliser, menacer, et intimider tous ceux qui osent reconnaître ce génocide, et ceci y compris sur le territoire national français, où les Arméniens sont régulièrement harcelés et intimidés physiquement et sur le Web par les militants d’extrême-droite turcs (MHP-Loups Gris) et les réseaux consulaires et religieux turcs (DITIB, Milli Görüs, Suleymancis, etc) pilotés en Europe depuis Ankara.

Bien qu'étant candidate à l'entrée dans l'Union européenne, dont la vocation même est la capacité à se remettre en cause et à condamner toute idéologie génocidaire et totalitaire, la Turquie « néo-ottomane », fière et sûre d'elle-même, continue ainsi de suivre sa ligne politique de négation pure et simple du génocide des Arméniens et des Assyro-chaldéens de Turquie, et dans ce contexte, elle ne ménage même pas ses meilleurs alliés allemand ou américains. EN effet, à chaque fois que ceux-ci (y compris Israël jadis allié d’Ankara) ont voulu reconnaître officiellement le génocide de 1915, les réactions d’Ankara faites d’ingérence et de menaces de représailles diplomatico-économiques, ont été très violentes et parfois efficaces.


Rappelons que le 4 mars 2010, déjà, lorsque la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants américaine avait adopté une résolution reconnaissant le génocide arménien, Ankara avait interpelé fort violemment son grand allié américain puis rappelé son ambassadeur. Peu après, ce fut au tour du Parlement suédois d'être menacé par la diplomatie national-islamiste d'Ankara. Il est vrai que depuis la résolution de 1987 du Parlement européen et l’adoption par la France, en 2000-2001, d’une première loi reconnaissant ce génocide, nombre de pays ont engagé un processus de reconnaissance du génocide des Arméniens, notamment la Pologne, le Canada, la Suisse. L’Allemagne fit de même en 2016. Mal lui en a pris.


L’activisme diplomatique et économique turque contre toute reconnaissance du génocide arménien par les pays du monde entier

Comme à chaque fois qu'un pays occidental s'apprête à reconnaître le génocide arménien et assyro-chaldéen, les autorités turques n'ont cessé d'exercer des pressions et de menacer de représailles sur Berlin. Ainsi, juste après le vote, Ankara qualifié l’adoption du texte d’« erreur historique » de l’Allemagne, la résolution étant jugée « nulle et non avenue ».


Dans la presse turque, l'Europe et l'Allemagne ont été fustigées comme « anti-turques », « islamophobes », puis « manipulées par les lobbies arméniens anti-turcs », ceci dans le cadre d'une stratégie contre-offensive et alors même que la résolution reconnaissant le génocide a été rédigée par le député allemand d'origine turque Cem Özdemir, coprésident du groupe écologiste au Bundestag. A la différence de la Turquie, qui refuse toujours de reconnaître la responsabilité de l'empire ottoman alors même qu'il s'agissait d'un autre régime et que la République turque n'est pas « souillée » par cela, le Bundestag allemand n'a pas hésité par ailleurs à souligner « le rôle déplorable du Reich allemand qui, en tant que principal allié militaire de l’Empire ottoman (…) n’a rien entrepris pour arrêter ce crime contre l’humanité ». On se rappelle aussi des pressions diplomatiques, économiques, politiques et même psychologiques incroyables exercées sur les députés, sénateurs et sur les médias français par les organes de propagande turcs pour faire échouer le projet de loi de pénalisation du négationnisme turc porté par le PS français puis, encore plus nettement, par la député LR Valérie Boyer. Le Conseil constitutionnel a finalement retoqué en 2012 cette loi pénalisant la négation du génocide arménien qui avait pourtant été approuvée par les parlementaires français. Pour la petite histoire, tout commença en janvier 2001, lorsque la France adopta une loi reconnaissant officiellement le génocide arménien, que la Turquie prit comme une véritable « agression ».


Dans un climat politique et médiatique turc très électrique, des coups de feu furent alors même tirés contre le Consulat français d’Istanbul. Des appels d’offre (dans les domaines de l’armement, de l’agroalimentaire, de la santé, de la construction) furent annulés. A partir de 2001, ce fut le début d’un long cauchemar pour tous les diplomates français en poste en Turquie : manifestations devant le consulat français, rappel de l’ambassadeur turc, menaces de sanctions et sanctions, rejet de la France accusée des pires choses et insultée, etc. En déclarant, le mardi 28 février 2012, que la loi violemment contestée par Ankara portait « atteinte à la liberté d’expression », le Conseil constitutionnel (poussé par l’exécutif et certains milieux d’affaires pro-Turcs) céda en fait aux pressions des autorités turques, affirmant de surcroit que la loi de 2001 reconnaissant le génocide arménien n’a « aucune valeur normative ». Dans le cadre d’une campagne anti-française continuelle, la presse et la classe politique turque lancèrent des attaques verbales et accusations d’une grande violence et même souvent insultantes contre le Gouvernement UMP d’alors et le président Nicolas Sarkozy, accusé d’être le « fils d’un légionnaire génocideur d’Algériens en 1960 » et un « raciste anti-turc, sioniste et islamophobe ». Dans cet océan d’insultes et d’attaques négationnistes contre la France et la diapora arménienne - accusée de « comploter au niveau mondial contre la Turquie », un îlot de noblesse et de vérité historique se fit tout de même entendre depuis la Turquie : l’intellectuel turc Cengiz Aktar (condamné de nombreuses fois par Ankara et menacé de mort) osa affirmer que la décision du Conseil constitutionnel fruit des pressions négationnistes turcs et des milieux d’affaires ne signifie aucunement qu’il n’y a pas eu de génocide arménien.


En attendant, Valérie Boyer n’a pas renoncé son combat, et les descendants arméniens et assyro-chaldéens victimes du génocide turco-ottoman de 1915 ainsi que les intellectuels et autres parlementaires sensibilisés à cette question continuent de tenter de faire admettre la responsabilité historique des Ottomans dans ces massacres et de lutter contre la propagande négationniste d’Ankara de plus en plus active en France et en Europe via moult associations, lobbies, mosquées DITIB, partis (AKP ; MHP-Loups Gris) et organes diplomatiques turcs.


Le génocide « fondateur » qui inspira Hitler

Rappelons que le génocide des Arméniens et des Assyro-chaldéens de la Turquie ottomane, en fait de l’ensemble des Chrétiens anatoliens, orchestré par le gouvernement turc-ottoman dit des « Jeunes-Turcs » (ultra-nationalistes racistes et « panturquistes) entre 1915 et 1917 et béni par les autorités religieuses islamiques ottomanes officielles (Cheikh ul-Islam), inspira Hitler lui-même pour perpétrer celui de 6 millions de Juifs deux décennies plus tard. Sa célèbre phrase : « qui se souvient du génocide des Arméniens » ?, d’un cynisme total, mais qui constatait l’impunité du crime et la passivité des Nations européennes, l’incita à perpétrer le génocide des Juifs. D'où la très grande sensibilité des progressistes allemands concernant cette question, souvent mise en parallèle avec la Shoah et le IIIème Reich. Rappelons aussi que les historiens, les Nations unies et un tribunal international constitué à la fin de la Première Guerre mondiale l’ont reconnu, ont condamné depuis longtemps les coupables et ont évalué le bilan à 1,5 million de victimes.


Etrangement, alors même que l’Empire ottoman déclinant reconnut les faits dans les années 1920, juste avant la constitution de la République Turquie par Atätürk, la Turquie moderne les a toujours niés. Et l’actuel gouvernement turc « néo-ottoman » de Recep Taiyyp Erdogan, toujours officiellement partisan de la candidature turque à l’Union européenne, continue de combattre sévèrement, tant en Turquie (par des lois) qu’à l’étranger (chantage économique, pressions diplomatiques, intimidations et attaques physiques à l'encontre des minorités arméniennes, etc), tous ceux qui reconnaissent le génocide.


En fait, si la Turquie refuse obstinément l’évidence, c’est non seulement en vertu d’un orgueil nationaliste totalement décomplexé et de son arsenal législatif répressif (peines de prison pour toute reconnaissance du génocide), mais aussi pour des raisons géopolitiques : les vraies frontières de l’Arménie, telles que promises par le traité de Sèvres de 1920 (jamais appliqué), devraient inclure aujourd'hui une partie de l’actuelle Turquie de l’Est, berceau des Arméniens (mont Ararat) d’où ils ont été chassés, quand ils n’y ont pas été exterminés par les Turcs et les Kurdes (qui revendiquent un Etat sur le même territoire). Ensuite, d’après les autorités d’Ankara, le simple fait de reconnaître le génocide des Arméniens risquerait de rendre encore plus illégitime et scandaleux le soutien total exprimé par la Turquie et Erdogan lui-même ces jours-ci envers son allié azéri qui a récemment lancé une offensive militaire « test » contre l'Arménie en vue de prendre sa revanche après la défaite des années 1990 et la perte du Haut-Karabagh que les Azéris veulent reprendre bien qu'étant majoritairement arménienne.


Les « raisons » géopolitiques et politiques du négationnisme turc

Pour les Turcs nationalistes ou « néo-ottomans » islamo-nationalistes comme Erdogan et l'AKP au pouvoir, reconnaître le génocide arménien, comme le font de rares intellectuels turcs persécutés tel Cengiz Aktar, impliquerait nécessairement des dédommagements et des revendications territoriales arméniennes, assyro-chaldéennes et même kurdes (effet domino) puis une attitude diplomatique moins offensive envers la petite Arménie voisine asphyxiée et ruinée depuis des décennies par un embargo turco-azéri dévastateur qui n’est hélas jamais dénoncé vivement par l’Union européenne de ce point de vue néo-munichoise. Car c’est bien la survie même de la Nation arménienne qui est en jeu, sachant que ce petit pays, résidu ex-soviétique de l’Arménie historique qui ne doit sa survie qu’à la Russie et dont le reste du territoire a été purifié ethniquement par la Turquie, est dramatiquement enclavé, isolé, et encerclé d’ennemis (Turquie, Azerbaïdjan, Géorgie, etc). Ankara a d’ailleurs refusé depuis longtemps de ratifier les accords turco-arméniens qui sont restés lettre-morte et dont Bruxelles n’a jamais eu le courage de mettre dans la balance dans le cadre des négociations Turquie-UE en vue de l’adhésion. La Turquie pose en fait des conditions préalables totalement irréalisables : silence sur le génocide arménien et concessions inimaginables sur le Haut-Karabakh (région peuplée d’Arméniens cédée par Staline aux Azéris et reconquise dans les années 1990 par les Arméniens, puis revendiquée par l’Azerbaïdjan, allié turcophone d’Ankara).


D’évidence, cette action diplomatico-économique anti-arménienne de la Turquie, qui occupe et colonise par ailleurs 37 % du nord de Chypre en toute impunité et viole chaque jour les frontières maritimes et aériennes de la Grèce sachant qu’Ankara revendique les îles de la mer Egée, s’oppose de manière fondamentale aux valeurs démocratiques de l’Europe et au droit international qui a condamné par de nombreuses résolutions les violations turques de l’intégrité territoriale chypriote. Au lieu d’accuser les Européens d’avoir « refusé par racisme anti-turc » ou « islamophobie de mener à bien le processus l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, les dirigeants turcs devraient être plus conséquents, tout comme leurs soutiens européens : s’ils refusent les règles du jeu européen, les valeurs européennes, s’ils refusent de reconnaître l’existence même de la République de Chypre, reconnue internationalement et membre de l’UE tout en occupant illégalement 37 % de son territoire, comment peuvent-ils se plaindre de ne pas adhérer à un club européen dont les règles et la composition ne leur convient pas ?


D’un point de vue géopolitique neutre, on peut même dire que si la Turquie estime que la composition de l’UE, certains de ses membres, ses frontières (Grèce, Mer Egée et Nord de Chypre), ses valeurs et ses règles ne correspondent pas à l’intérêt national turc, cela est compréhensible, pour un pays dont la diplomatie néo-ottomane et ultra-nationaliste n’admet aucune « perte d’avantage stratégique », c’est un état de fait du tout le monde convient. Mais le comble du culot diplomatique est que cette Turquie néo-ottomane-irrédentiste, autoritaire et nouvellement anti-occidentale se pose en « victime » du « club chrétien européen » alors qu’elle est elle-même devenue depuis les années Erdogan le chef de file d’un « club islamiste ».


Elle agresse par ailleurs militairement deux pays-membres de l’Union européenne : la Grèce, avec les îles de Mer Egée, puis Chypre, qu’elle occupe militairement depuis 1974 puis agresse économiquement (affaire du pétrolier ENI à Chypre) et diplomatiquement en permanence. Ceux qui affirment depuis des années que « si la Turquie avait été intégrée plus vite dans l’Union européenne, Erdogan ne serait pas devenu un tyran et Ankara ne se serait pas rapprochée de la Russie et des pays islamistes , font ainsi preuve soit d’une ignorance crasse soit d’une mauvaise foi inouïe, car l’UE n’a JAMAIS brimé Ankara, bien au contraire, puisque sans parti-pris pro-Turc, Bruxelles n’aurait même jamais dû et pu ouvrir des négociations en vue de l’adhésion avec un pays qui occupe un pays membre (Chypre du Nord) et menace un second (Grèce)… Cette affirmation fallacieuse et intellectuellement fondée sur une culpabilisation pathologique omet de souligner les vraies raison du probable refus définitif, à terme de l’adhésion de la Turquie à l’UE : le refus turc de toute reconnaissance - même indirecte - de la République de Chypre, puis l’occupation militaire et la colonisation de peuplement continue de 37 % du nord de cette île, normalement entièrement intégrée dans l’UE (donc territoire UE occupé par un tiers), bloque de facto et de jure l’ouverture et la fermeture de nombreux chapitres de « l’acquis communautaire européen » nécessaire à l’adhésion.


En guise de conclusion

Si l’UE ne convient pas aux intérêts nationalistes et néo-ottomans de la Turquie d’Erdogan, c 'est un fait, contre lequel personne ne peut rien. Toutefois, le fait de se laisser culpabiliser systématiquement par la rhétorique tantôt agressive (appels aux musulmans turcs à ne pas s’intégrer), tantôt victimaire d’Erdogan (« Europe islamophobe qui rejetterait les Turcs et les Musulmans») par un régime irrédentiste, national-islamiste, ouvertement prédateur (bombardements des Kurdes d’Irak, massacres des Kurdes du Nord-ouest de la Syrie, double jeu voire collaboration avec Daech un temps puis Al-Qaïda et d’autres groupes jihadistes en Syrie et en Libye, présence maritime turque illégale en Mer Egée greque et viols de l’espace aérien grec), laisse pantois et en dit long sur le « complexe » des Ouest-européens devenus incapables, par mauvaise conscience et reniement de leur identité chrétienne, de défendre leurs propres intérêts géocivilisationnels face à un voisin prédateur, ceci de peur d’avoir l’air « raciste-islamophobe ».


En toute logique, les dirigeants turcs, s’ils étaient cohérents - à la manière des Britanniques pro-Brexit qui ont voulu quitter une Europe supposée hostile à leurs intérets nationaux - ne devraient pas s'offusquer s'ils ne peuvent intégrer un club dont ils violent les règles ou désapprouvent les limites géographiques, la compostion et les normes et valeurs fondamentales. Ils devraient simplement admettre que les conditions d’adhésion à l’UE ne servent pas leurs intérêts et qu’ils renoncent à leur candidature contre-nature. Toutefois, la Turquie d’Erdogan ne fera pas ce « cadeau » aux Européens: conscient de cette mauvaise conscience ouest-européenne, le parti AKP d’Erdogan et ses négociateurs habiles continuent de réclamer « le beurre et l’argent du beurre », voire plus…, et ils ont raison, de leur point de vue, car pour « prouver qu’ils ne rejettent pas Ankara », les Européens continuent de faire des concessions folles à la Turquie : ils ne dénoncent pas la menace irrédentiste-militaire turque en Mer Egée, à Chypre, dans les Balkans et au Proche-Orient ; ils paient très cher Ankara pour la gestion des flux migratoires aux termes d’un véritable racket, et Bruxelles a alloué depuis 2005 des milliards d’euros d’aides au titre de la « pré-adhésion ».


D’habitude si « vigilante » sur les questions de « Mémoire », d’anti-fascisme, de négationnisme et de racisme, systématiquement reprochés aux « populistes » anti-immigrationnistes d’Europe,, les élites européistes demeurent incroyablement muettes sur le néo-fascisme d’Erdogan, allié au Parlement turc du parti raciste anti-kurde anti-arménien et europhobe fascisant MHP, et ne dénonce pas le négationnisme d’Etat turc. Deux poids de mesures. Certes, nous pouvons comprendre que les pouvoir turcs nationalistes ou islamistes successifs à Ankara refusent de juger leur passé avec les yeux du présent par peur de finir comme les Européens culpabilisés et repentants. Mais dans ce cas, qu'ils en tirent les conclusions : l'Union européenne n'est pas faite pour eux.


(*) Alexandre del Valle, qui analyse la stratégie des mouvements islamistes et de la Turquie d’Erdogan dans son dernier ouvrage La stratégie de l’intimidation, a notamment écrit en 2003 le premier livre qui a ouvert les yeux que la dérive national-islamiste autoritaire d’Erdogan : La Turquie dans l’Europe, un cheval de Troie islamiste ?, suivi en 2005 d’un autre ouvrage qui soulignait l’impossibilité structurelle de la candidature turque à l’Union européenne : Le Dilemme turc, ou les vrais enjeux de la candidature d’Ankara, d’Alexandre Del Valle, éd. Les Syrtes, 2006.

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