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Alexandre del Valle : L’ennemi russe a fait oublier le danger islamiste

CHRONIQUE. Les pays occidentaux, après la chute du mur de Berlin, ont continué à voir le monde avec les mêmes œillères que pendant la guerre froide, ignorant la montée en puissance du djihadisme.




Depuis la fin de la guerre froide et la chute de l’URSS, les pays de l’Otan, États-Unis en tête, n’ont pas changé leur logiciel géostratégique. Ils ont continué à penser la Russie comme le clone monstrueux de l’URSS, considérée à tort “vaincue”, et ont profité de sa faiblesse pour étendre leur puissance vers l’Europe centrale et orientale, jusqu’aux pays Baltes et aux Balkans. Ceci a été ressenti par la Russie comme une humiliation et une menace existentielle (systèmes de missiles antimissiles de l’Otan De ce fait, la vision négative que l’Occident a conservée de la Russie s’est apparentée à une prophétie autoréalisatrice : si la Russie postsoviétique n’était pas l’ennemie des pays occidentaux après 1989 mais bien plus celle de pays anciennement vassaux de l’URSS comme la Pologne, les pays baltes, la Slovaquie, la république Tchèque ou la Roumanie, membres de l’Union européenne, sans oublier des pays périphériques de l’Union comme la Géorgie et l’Ukraine, elle est désormais l’ennemie majeure des États-Unis, de l’Otan et même de l’Europe. Ce n’était pas du tout le cas avant les élargissements irresponsables et belligènes de l’Union et de l’Otan entre 1997 et 2013.


La Russie a été méprisée…


En 1994, puis en 1997, d’ailleurs, le prédécesseur et parrain de Vladimir Poutine, Boris Eltsine, avait ratifié le Partenariat pour la paix de l’Otan, puis le partenariat Otan-Russie, qui permettaient de tourner définitivement la page de la guerre froide. Mais les ingérences occidentales répétées (interventions militaires directes en ex-Yougoslavie, en Irak ou en Libye ; indirectes contre la Russie en Géorgie, en Tchétchénie, ou en Ukraine, puis obsession américaine de renverser la dictature prosoviétique de Bachar al-Assad), ont dangereusement interrompu ce processus. Cela a poussé la Russie poutinienne à devenir de plus en plus une ennemie.

Après l’Irak baassiste détruite au profit de Al-Qaïda, de l’Iran puis de Dae’ch (chaos moyen-oriental voulu par les néocons), la goutte d’eau qui fit déborder le vase fut le soutien aux forces ukrainiennes antirusses entre 2004 (révolution orange) et 2013-2014 (Euromaïdan), puis aux forces révolutionnaires arabes islamistes tournées contre l’allié majeur de la Russie en Méditerranée, la Syrie.



Ici, comme en Crimée ukrainienne, la stratégie américaine de changement de régime visait à faire perdre à Moscou le contrôle de ses bases militaires stratégiques installées depuis des décennies à l’ouest de la Syrie (Tartous) et à Sébastopol, en Crimée, sans lesquelles la Russie perd son accès vital à la Méditerranée orientale et son statut de puissance maritime mondiale. La suite est connue : double intervention militaire russe spectaculaire en Syrie, pour sauver Bachar al-Assad de l’offensive des rebelles djihadistes, puis en Crimée, avec son annexion par la Russie, et indirectement en Ukraine orientale dès 2014 (Donbass). Dans les deux cas, les Russes ont conservé leurs acquis stratégiques sur leur flanc sud.


… et l’islamisme a été négligé


Les conséquences de cette stratégie états-unienne endossée par une Europe “gallo-américaine” sont les suivantes : l’ennemi civilisationnel islamiste a été négligé pendant des décennies et menace maintenant de l’intérieur des démocraties occidentales qui ont voulu exporter par l’ingérence leurs valeurs chez les autres sans les défendre dans leurs propres “banlieues de l’islam”.La vieille Europe culpabilisée est devenue un théâtre de guerre totale potentiel où les États-Unis — en perte de vitesse ailleurs — se replient pour y vendre les surplus d’armes et de gaz de schiste qu’ils ne peuvent pas écouler dans le reste du monde.

La Russie, sous sanctions depuis 2014, s’est jetée plus que jamais dans les bras de la Chine. Les pays émergents du “Sud global” revanchard tombent dans l’escarcelle des empires prédateurs turco-islamiste, chinois et russe. L’empire américain a certes déjoué le spectre (redouté par Zbigniew Brzezinski et George Friedman) d’une alliance russo-allemande ou d’un rapprochement russo-européen. Il a gagné à court terme, mais il va payer le prix de sa politique extraterritoriale des méga-sanctions adossées au dollar par une dédollarisation qui lui sera fatale et des alliances “antihégémoniques” exacerbées par les puissances révisionnistes russo-chinoise, turque et iranienne et non alignée indo-brésilienne

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