Alexandre del Valle : dialoguer avec Moscou, seule voie vers une paix en Ukraine ou tentation munichoise ?
CHRONIQUE. L'Occident fait face à un dilemme cruel : entre éthique de responsabilité et éthique de conviction, il faut choisir. Les conséquences désastreuses d'une éventuelle guerre directe entre l'OTAN et la Russie ne peuvent être évitées que par des efforts diplomatiques et une vigilance constante, avertit notre chroniqueur.
« L’unique moyen de parvenir à une paix véritable, stable et juste est le dialogue entre toutes les parties concernées », rappelait le cardinal secrétaire d’État, Pietro Parolin, le 16 juin dernier, lors du sommet international sur la paix en Ukraine qui s’est tenu à Bürgenstock, en Suisse. Plus récemment, c’est le président ukrainien Volodymir Zelensky, lequel, dans la continuité du sommet dont les conclusions invitaient à associer « la Russie » lors du prochain round, a déclaré que la Russie devrait participer au prochain sommet sur la paix en Ukraine. Venant de l’homme qui, en octobre 2022, avait promulgué une loi interdisant toute négociation avec Poutine, le saut est notable. Il est vrai que sans l’un des deux principaux acteurs du conflit, la conférence de Paix de Bürgenstock ne pouvait pas donner grand-chose…
Le fait que Zelensky lui-même appelle à un dialogue avec le Kremlin permet en tout cas de rétablir une justice : ceux qui préfèrent la discussion à l’escalade guerrière, comme les gaullistes Nicolas Sarkozy – qui avait réussi à geler ainsi un conflit similaire en 2008 en Géorgie – Jacques Chirac, Dominique de Villepin, Henri Guaino ou François Fillon, et même comme les plus grands stratèges de la guerre froide Henry Kissinger et George Kennan (concepteur du Containment contre l’URSS) ne sont pas forcément des « agents de Poutine », des « munichois » ou des « extrêmes » rouges ou bruns. Jean-Pierre Chevènement, Hubert Védrine ont eux-mêmes prôné le dialogue et déploré les erreurs de l’OTAN et de l’unilatéralisme américano-atlantiste, mais ne sont pas des horribles « populistes » soudoyés par le Kremlin.
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