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[VALEUR ACTUELLES] L'islam de France est-il possible ? Par Alexandre del Valle

L'Analyse d’Alexandre del Valle après la sortie du Un rapport de l’Institut Montaigne propose une réforme en vue de mettre sur pied un « islam de France ». Analyse du géopolitologue et essayiste Alexandre Del Valle.

Dans son nouveau rapport intitulé « La Fabrique de l’islamisme » rendu public par l'Institut Montaigne, l'essayiste franco-tunisien Hakim El Karoui s’alarme de la montée de l’islamisme radical en France. Déjà, dans son rapport de 2016 pour le même Institut, El Karoui soulignait la progression d’un islam sécessionniste chez les jeunes et le fait que 28 % des musulmans sondés mettent les valeurs de l’islam devant celles de la République française. Cette fois-ci, le rapport tombe à point nommé, au moment où sont présentées les conclusions des « assises territoriales de l'islam de France » réunies par les préfets de tous les départements afin de faire émerger un « islam de France conforme aux lois de la République".


Loin du « pasdamalgamisme » négateur, EL-Karoui dresse tout d’abord le constat que l’islamisme progresse, que son « projet » vise à séparer les musulmans des non-musulmans, à « rejeter totalement l’autre », et qu’il participe donc d’un séparatisme sous couvert de « droit à la liberté religieuse ». L’étude dénonce aussi sans ambages les "usines de production de l'islamisme" (Frères musulmans égyptiens et européens, wahhabisme saoudien, "turco-islamisme "...) et souligne "l'incroyable" influence des réseaux sociaux dans son expansion, affirmant même que juste après Barack Obama ou Donald Trump, six des dix plus grands "influenceurs mondiaux" sont des prédicateurs saoudiens : Mohamed al-Arifi, Ayid al-Qarni, Ahmad al-Shugairi, Salman al-Ouda ou Michari Rachid al-Afasi, respectivement les 7e, 8e, 10e, 15e et 16e comptes les plus vus concernant les idées sur les réseaux sociaux...


Loin des thèses déresponsabilisantes de ceux qui estiment que l’islam serait « sans tâche » et qui assignent à « islamité » tous les immigrés des pays musulmans vus comme un bloc victimaire persécuté par les « islamophobes », le normalien par du postulat que l’islamisme n’est pas étranger à l’islam et qu’il est avant tout le résultat d’une idéologie dont la diffusion se nourrit du vide laissé par nos sociétés. Il appelle donc à juste titre les "musulmans modérés et silencieux, selon lui nombreux mais intimidés par les minorités radicales, à se réapproprier l'islam".


Réforme ou création d’un l’islam de France ?


Une fois ces constats dressés, El Karoui, adepte d’un islam éclairé et influencé par le modèle tunisien bourghibiste paternel, propose de mettre sur pied un "islam français" afin de « reprendre la main sur la religion musulmane ». Il préconise ainsi de « créer une organisation neutre, indépendante des pays d'origine, l’AMIF (« Association musulmane pour l’islam de France »), chargée de promouvoir un islam conforme à la République et éclairé. Cette idée ne convainc pas ceux qui estiment que l’islam n’est pas réformable et que l’islamisme, installé depuis trop longtemps dans des « banlieues de l’islam » hors contrôle, y est impossible à déloger. Par ailleurs, l’idée déjà ancienne de réorganiser l’islam de France n’a jamais pu abouti jusqu’à présent, faute d’entente entre les mouvances musulmanes elles-mêmes, pilotées par des puissances islamistes qui se disputent l’instrumentalisation des communautés musulmanes dont les islamistes tentent de compromettre l’intégration aux mœurs des « mécréants ». Ces musulmans d’Europe constituent par ailleurs des réserves de suffrages pour les Etats islamiques (Maroc, Turquie). En outre, les contentieux entre pôles et personnalités éclairés de l’islam empêchent tant d’édifier un islam de France uni et éclairé que de vaincre l’islamisme sur notre sol.

Si l’Etat ne contrôle pas l’islam, l’islam contrôlera un jour l’Etat…Cette vieille formule chère aux anti-islamistes des pays arabes devrait être apprise par cœur par les Européens, tantôt compromis avec les puissances islamiques, tantôt inhibés par la culpabilité post-coloniale. Nous sommes en effet condamnés à « produire » un islam de France et un contre-discours afin de stopper le projet suprémaciste islamiste qui prend en otage nos compatriotes musulmans et nous menace dans notre essence. Pour aller dans le sens de Hakim El Karoui, le clergé musulman de France doit donc être formé, francophone, respectueux de la France, non inféodé aux puissances étrangères fondamentalistes, donc trié sur le volet et engagé pleinement dans la mission de rendre leur foi compatible avec les valeurs et règles occidentales non-négociables.


Les propositions concrètes sur le modèle judaïque français du consistoire


La réforme en vue d’un « islam de France » proposée par El Karoui passerait par la mise en place d’un « grand imamat » de France, sur le modèle du consistorial et donc une « parenthèse concordataire », dixit Alain Minc, proche d’El-Karoui. Cette proposition choque à juste titre les « laïcards » puisqu’elle viole la loi de 1905 relative à la séparation de l’Etat et de l’Eglise. L’AMIF serait chargée de collecter une « taxe » du hallal pour financer le culte (formation des imams, construction des mosquées, pèlerinages etc.), sur le modèle de la cacherout juive gérée par le rabbinat qui certifie de façon traçable et hiérarchisée les produits "casher". La formation de cadres religieux et la construction de certaines mosquées » seraient financés par cette taxe qui permettrait de « réguler » les flux financiers islamiques étrangers souvent trop opaques. L’AMIF réorganiserait les pèlerinages à La Mecque afin d’écarter des intermédiaires avides de gains et souvent intégristes actuellement en situation de monopole. El Karoui préconise également de mobiliser l'Education nationale chargée de mieux former les enseignants sur la laïcité.


Mais tout cela est-il seulement possible? Comment va-t-on détrôner les Frères musulmans, les réseaux turcs ou pakistanais, les Marocains, ou même les salafistes de « troisième génération » comme l’imam controversé de Brest, Rachid Abou Houdeyfa, qui sont Français, donc non-expulsables, et dont les modes de financement sont autochtones ?


Enfin, la proposition la plus controversée dans le rapport d’El Karoui est le renforcement l’apprentissage de la langue arabe dans l’enseignement public, l’auteur estimant qu’apprendre l’arabe moderne en contexte républicain laïque est un moyen de lutter contre l’islamisme. On peut lui répondre que si l’étude de l’arabe dans l’enseignement public a diminué ces dernières années, ce n’est pas le fruit d’une « discrimination » comme il le sous-entend, mais parce que les familles arabophones islamisées craignent que l’enseignement de langue sacrée du Coran dans les institutions scolaires publiques « mécréantes» donne la part belle aux écrivains musulmans libéraux, soufis, chiites, chrétiens ou progressistes, surreprésentés parmi poètes et intellectuels arabes antiques et modernes. Par ailleurs, il faut rappeler que tous les Arabes ou Maghrébins ne sont pas musulmans-pratiquants, que nombre de Musulmans de France sont des non-Arabes (Noirs-africains, Turcs, Pakistanais, Indiens, etc), ce qui réduit la portée de l’apprentissage de l’arabe comme vecteur d’anti-islamisme. Et surtout que nombre de Français « musulmans » d’origine maghrébine ne veulent pas du tout apprendre la langue de l’ancien oppresseur arabe qui fit interdire la leur (amazigh-berbère). Les soi-disant « Arabes » de France ou de Belgique sont en effet pour un tiers d’entre au moins eux issus de contrées encore berbèrophones (Rif au Maroc, Kabyles et Chaouis en Algérie, etc).

Enfin, cette incohérence nous rappelle l’aberration des Enseignements de Langues et Culture d’origine (ELCO) mis en place entre la France et les pays d’origine (sur demande de Bruxelles) dans les années 1970 et qui ont consisté à systématiquement proposer aux fils d’immigrés de suivre des cours, notamment d’arabe ou de turcs, pilotés par les pays d’origine trop contents de réislamiser et désassimiler par ce biais leurs ouailles mises en danger de dilution en terre mécréante… Ces mesures, hélas toujours en place, et réactualisées par l’ex-ministre socialiste Najat Vallaud-Belkacem, a permis d’empêcher l’intégration de centaines de milliers de jeunes qui auraient plutôt eu besoin de perfectionner la langue de Molière et de Voltaire avec tout ce qu’elle transporte d’esprit critique et de pensée libre, meilleur antidote contre le virus du fanatisme…


La stratégie de l’intimidation, éditions l’artilleur,560 pages, 23 euros

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