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Idlib, plus grande base-arrières de jihadistes dans le monde

Face à l’Occident qui fait tout pour dissuader les Russes et le régime syrien d’en finir avec ce foyer islamo-terroriste, Russes, Iraniens et Turcs tentent de mettre en place des accords pragmatiques en vue d’une sortie de crise progressive…

Depuis fin août 2018, le thème du « chaos syrien » fait de nouveau la Une de la presse internationale et occidentale. Une fois de plus, alors que les forces loyalistes de Damas tentent de récupérer les territoires contrôlés par des rebelles et des terroristes islamistes, ladite « communauté internationale » ne cesse d’alerter sur le « risque de « catastrophe humanitaire » au cas où le régime syrien et ses alliés iraniens et russes parviendraient à reconquérir par des bombardements massifs la zone nord-ouest du pays, Idlib, tenue à 60 % par une coalition terroriste dominée par l’ex-Al-Nosra alias Fatah al-Sham (Al-Qaïda en Syrie), appelée depuis 2017 Hayat Tahrir al-Sham (HTS, 30 000 hommes). Quant au reste de la province, on sait qu’elle est contrôlée par des groupes salafistes et islamistes rebelles pro-turcs pas si modérés qu’on le dit en Occident et qui se sont réunis en mai 2018 au sein d’une nouvelle coalition créée par la Turquie, « Jabat al-Wataniya al-Tahrir » (Front pour la Libération nationale, FLN). Celle-ci regroupe douze groupes islamistes, dont Ahrar al-Sham Harakat Nour al-Din al-Zenki rivaux du HTS mais tout aussi radicaux, sachant que certains ont été alliés tantôt à l’Etat islamique tantôt à Al-Qaïda-Al-Nosra jusqu’à une période récente au gré des alliances tactiques dans différentes zones. Le FLN intègre certes officiellement des membres de l’ex-ASL (Armée syrienne libre) présentée comme l’opposition armée « modérée » par la Turquie, les Occidentaux et les capitales du Golfe. Cette ASL qui émergea au début de l’insurrection en 2011, était composée au départ de déserteurs de l’Armée Arabe syrienne (AAS), mais personne n’ignore aujourd’hui qu’elle a vite été phagocytée par des islamistes.

L’alqaïdisation de la rébellion « syrienne » dominée par le jihad international mais banalisée par les Occidentaux…

En fait, si Idlib est devenue le plus grand réservoir de Jihadistes d’Al-Qaïda et de combattants islamistes au monde, c’est parce que cette zone est l’une des quatre zones de « désescalade »1 négociée entre Turcs, Russes et Iraniens lors des rencontres d’Astana de mai 2018 et qui ont permis de reprendre La Ghouta, Alep et le Sud du Pays (Kuneitra) aux termes de bombardements massifs contre les récalcitrants mais aussi grâce à des accords de « réconciliation » et d’exfiltration négociés avec des groupes rebelles et jihadistes autorisés momentanément à s’installer à Idlib. Cette dernière ville est par conséquent devenue le plus grand repaire de rebelles et jihadistes en Syrie sous protectorat turc… Les milices sunnites rattachées à l’ASL ainsi que les groupes islamistes les plus puissants (Front islamique, Ahrar al Sham, Jaych al-Islam, Faylaq al-islam, Al-Nosra) qui ont « résisté » à la Ghouta, à Hama, Kuneitra ou Alep ont pensé pouvoir s’y établir durablement afin d’y organiser la reconquête

contre le régime syrien qu’ils veulent toujours renverser et qu’ils pilonnent depuis leurs positions. La presse occidentale ne fait pas cas de cette réalité d’harcèlement du régime par les rebelles et les jihadistes opposés à toute négociation en vue de la paix. De ce fait, le régime syrien et ses alliés russes ne pouvaient durablement laisser croitre ce foyer islamo-jihadiste et ils ont donc décidé de reconquérir Idlib où sévissent 90 000 combattants islamistes (dont 25000 Jihadistes d’Al-Qaïda-Al-Nosra-HTS), en partie évacués des ex-fiefs jihadistes (Alep, Homs, Ghouta).

D’une manière générale, le Nord du pays (y compris Afrine et Jarablous purifiée de leurs Kurdes par l’armée turque et les milices islamistes) est une zone problématique pour le régime syrien, puisque à l’ouest de l’Euphrate, en dehors même d’Idlib, l’étrange allié peu fiable de la Russie qu’est la Turquie néo-ottomane d’Erdogan entretient également des milices islamistes turkmènes et arabes à Afrine et Jarablous (Al-Hamza, Ahrar al-Sharqiya, Mourad Sultan) qui y massacrent les Kurdes dans l’indifférence de la « communauté internationale », tandis qu’à l’Est de l’Euphrate, ce sont les milices kurdes (YPG) et kurdo-arabes des Forces démocratiques Syriennes (FDS), protégées par l’armée américaine, qui ont établi un gouvernorat échappant au contrôle du régime syrien. Les milices kurdes et les FDS, bien qu’ayant momentanément les mêmes ennemis islamistes rebelles et jihadistes à l’Ouest que le régime syrien, entreront cependant tôt ou tard en conflit avec le régime de Bachar al-Assad qui voudra recouvrer sa souveraineté dans l’ensemble du Nord lorsqu’il aura repris le contrôle des dernières poches jihadistes du Sud et d’Idlib. Sauf si les Kurdes sont assez raisonnables pour renoncer définitivement à l’indépendance de leur « Rojava » et s’ils acceptent de n’être qu’une province autonome dans le cadre d’une future Syrie non fédérale… ce qui est loin d’être dans leurs plans initiaux et n’arrange pas Washington…

Le jeu de plus en plus trouble d’Ankara

La victoire définitive du régime de Damas sur les rebelles et les jihadistes passe donc par Idlib, contrôlée à 60% par les jihadistes du HTS, où vivent trois millions d’habitants dont une grande partie est composée de « réfugiés de l’intérieur ». Si le régime de Damas a averti les populations de l’imminence de bombardements depuis le mois d’août en les invitant à quitter les lieux visés via les « couloirs humanitaires », les islamo-terroristes d’Idlib ont intérêt à garder les civils comme des « boucliers humains » dont les massacres éventuels par des bombardements massifs permettraient d’accuser le régime de « crimes de guerre » et donc de déclencher des « réactions » militaires occidentales.

Rappelons que la Turquie, en tant que « garante », à Idlib, de l’une des quatre « zones de désescalade » négociées avec Damas et Moscou à Astana en mai dernier, était censée séparer les « rebelles modérés » des jihadistes. Mais elle ne l’a ni voulu ni réellement pu, ainsi qu’on l’a constaté avec son protégé le Front National de Libération (FNL), lequel réunit, avec l’ex-Armée Syrienne libre « modérée », des groupes tout aussi fanatiques et jihadistes qu’Al-Qaïda ou Daech. On peut citer notamment Ahrar al-Cham, Jaich al-Ahrar qui se sont opposés aux accords d’évacuation et de paix négociés à Astana avec Damas sous le parrainage de Moscou, Téhéran et Ankara.

Le 7 septembre dernier à Téhéran, la Russie a donc tenté de convaincre - en vain - la Turquie d’Erdogan, protectrice de ces combattants islamistes anti-Assad depuis le début de la guerre, de reproduire à Idlib le scénario d’Alep, La Ghouta ou Deraa, qui avait permis à l'armée syrienne de réduire ou évacuer les jihadistes refusant de se rendre tout en concluant des accords avec les rebelles acceptant de déposer les armes et de combattre les Jihadistes, tout

cela étant supervisé par les « agents de réconciliation » russes. Ce scénario a particulièrement bien fonctionné durant l’été 2018 dans le sud de la Syrie aux environs de Kuneitra et à la frontière de la Jordanie et du Golan, où nombre de rebelles ont rallié le regime et abandonné les jihadistes. Cet objectif de reconquête négociée était au cœur de la rencontre tripartite Iran-Russie-Turquie du 7 septembre 2018 organisée à Téhéran dans le cadre des accords d'Astana en présence des présidents Rohani, Erdogan et Poutine. Mais ceux-ci ont en finalement échoué en raison du refus du président turc Erdogan de lâcher les milices islamistes pro-turques qui règnent sur la moitié du gouvernorat d’Idlib qu’Ankara aimerait voir rester une sorte de protectorat turc, comme tout l’ouest de l’Euphrate syrien, où l’on pourrait, comme à Afrine, reloger les deux ou trois millions de réfugiés syriens accueillis en Turquie depuis 2011. Par ailleurs, la Turquie ne sait pas comment gérer le risque d’afflux de nouveaux vers son territoire, déjà saturé, en cas de bombardements intensifs sur Idlib qui provoqueraient une nouvelle vague d’exil vers la Turquie. Cette rencontre tripartite Iran-Russie-Turquie de Téhéran n’a pas permis de trouver, comme pour Alep ou la Ghouta, un accord avec la Turquie en vue de reprendre aux jihadistes et aux rebelles la zone d'Idlib. Certes, Ankara a lâché officiellement l’ex-Front Al-Nosra (Al-Qaïda et alliés) rebaptisé HTS, fort de 30 000 jihadistes, mais Erdogan et son parti islamiste ne pouvaient ou ne voulaient pas lâcher ou faire partir les 50 000 combattants islamistes du FNL qui constituent de facto ses troupes dans ce qu’il voudrait demeurer un protectorat dans son nouvel empire ottoman qu’il tente de reconstituer un peu partout à la faveur des chaos syro-irako-libyen. Mais cette ambition se heurte aux dessins américano-kurdes en Syrie et en Irak, aux intérêts Iraniens dans la région et surtout aux Russes qui veulent que la Syrie retrouve sa souveraineté.

Le jeu encore plus trouble encore des Occidentaux, qui combattent Al-Qaïda en Irak mais refusent que l’armée syrienne loyaliste et la Russie fassent de même en Syrie…

Une fois de plus, on constate qu’aux différents niveaux de conflictualité observés en Syrie : local - entre Syriens pro et anti-Assad et rebelles islamistes versus jihadistes ; ethnique - entre Arabes, turkmènes et Kurdes ; religieux - entre Sunnites et non-Sunnites alaouites-chrétiens-druzes-chiites ; régional - entre qatari-turcs et Syriens-russes -, s’ajoute une rivalité globale. Celle-ci oppose le camp russo-syro-iranien loyaliste au camp occidentalo-sunnite hostile par principe à Bachar al-Assad, bien que prétendant combattre également Daech et les Jihadistes d’Al-Qaïda. En fait, outre la présence iranienne, que Moscou tente de réduire au sud en accord avec Israël, ce qui dérange le plus les Occidentaux et l’OTAN est bien sûr le renforcement-doublement durable des bases militaires russes à Tartous et à Hmeimim, qui contredit l’objectif atlantiste-anglo-saxon d’empêcher l’accès de la Russie en Méditerranée. Ajoutons à ce face-à-à-face digne de la Guerre froide le jeu plus discret de la Chine, qui soutient aussi le camp russe pro-Assad car de nombreux jihadistes chinois musulmans ouïgours (bombardés en ce moment même et situés au sud d’Idlib) sont également présents dans le Nord-ouest syrien et constituent - comme les russophones et tchétchènes de Daech ou Al-Qaïda - des ennemis redoutables que ni Moscou ni Pékin ne désirent voir revenir au pays… Il faut donc pour eux les éliminer sur place en Syrie avant qu’ils reviennent plus aguerris entretenir le Jihad en Chine, en Russie, dans le Caucase en Asie centrale.

Démonstrations de forces russo-chinoises en Sibérie et en Méditerranée face au camp occidental anti-Assad...

C’est dans ce contexte géopolitique et géostratégique international que l’on doit analyser l’imposant déploiement naval russe au large de la Syrie, composé de navires de guerre et de sous-marins russes prêts à frapper depuis fin aout 2018, puis aussi le très imposant déploiement militaire russe baptisé « Vostok 2018 » organisé en septembre 2018 dans l’Est de la Sibérie avec la participation des armées chinoises et mongoles. Près de 300 000 hommes, 36 000 véhicules blindés, des systèmes S-400 et S-300, des Tor et Bouk, 80 bâtiments et plus d'un millier d'avions et de drones ont été ainsi réunis dans l'extrême-Orient russe pour les exercices militaires les plus importants depuis 1981, avec une volonté particulière d’afficher « l’expérience acquise en Syrie… Ce double message géostratégique est en fait clairement adressé aux Occidentaux qui ne cessent, depuis la décision de russo-syrienne de reprendre Idlib, de menacer Damas et Moscou de lancer des raids contre des cibles du régime de Bachar al-Assad cas/ou sous prétexte d’emploi « d’armes chimiques » contre des civils à Idlib.

Une bataille décisive pour terminer la guerre en Syrie et enclencher le processus politique voulu par Moscou et redouté par l’Occident

La bataille d’Idlib est décisive et elle est à la fois un théâtre d’opération militaire et un terrain de guerre médiatico-psychologique. Comme jadis à ala Ghouta ou à Alep, les habitants d'Idlib, qui ne vivent que grâce aux aides internationales, sont pris en otage par les jihadistes qui refusent d’appliquer les accords d’évacuation de civils afin d’en faire des « boucliers humains » destinés à accuser Damas de massacrer les populations en cas de bombardements massifs. Les trois millions de personnes vivant à Idlib, eux-mêmes en partie composées de réfugiés de l’intérieur venus de La Ghouta, Kuneitra ou Alep, etc, pourront difficilement gagner la Turquie, laquelle a fermé sa frontière et qui a déjà accueilli 2,5 millions de réfugiés syriens sur son sol, ce qui signifie que les habitants d’Idlib sont piégés.

Le HTS contrôle le Nord de la région d’Idlib, et le FNL pro-turc contrôle le Sud, ce qui met ce dernier en première ligne face aux forces loyalistes de Damas et à l’aviation russe. Cette situation géographique et tactique oblige la Turquie à ménager les forces pro-Al-Qaïda au nord qui contrôlent les territoires et routes par lesquelles les forces turques doivent passer pour ravitailler les rebelles contrôlés par Ankara au Sud de la province. En réalité, le récent désaccord entre les deux alliés contre-nature (turc et russe) lors de la rencontre d’Astana n’est pas surprenant : Ankara ne pouvait pas rester dans l’ambiguïté éternellement et dû tomber les masques en refusant non seulement de lutter efficacement contre le HTS pro-Al-Qaïda au nord d’Idlib mais aussi en continuant à soutenir d’autres groupes rebelles islamistes au sud de la région qu’elle n’a réussi à convaincre de déposer les armes et composer avec Damas. De facto, la Turquie continue donc de faire le jeu des forces islamistes-terroristes dans le nord de la Syrie, et elle freine de ce fait tant qu’elle peut la pacification de la zone afin de retarder une inévitable arrivée sur son sol de groupes rebelles jihadistes et de réfugiés d’Idlib. Ankara n’a par conséquent ni réellement voulu ni pu séparer les jihadistes terroristes d’Al-Qaïda ou Daech des rebelles « modérés ». Et elle n’a pas voulu ou pu respecter l’accord de désescalade conclu avec les Russes et les Iraniens en vue du règlement politique de la crise syrienne.

L’incohérence ou le jeu trouble de la-dite « Communauté internationale » et des Occidentaux formatés par des schéma de guerre froide

De son côté, l’ONU et les Occidentaux, qui ne semblent pas avoir réellement intérêt à accélérer la fin de la guerre en Syrie et à participer à une solution politique dont la Russie serait le bénéficiaire et le maître d’œuvre, ne cesse de condamner le Kremlin et Damas de préparer « un massacre et une catastrophe humanitaire » à Idlib. Cette propagande de guerre

consiste à exagérer considérablement le nombre de civils réfugiés dont elle alerte quant au risque « d’attaque chimique », puis à passer sous silence les efforts russes pour évacuer les populations civiles innocentes prises en otage par les terroristes qui souhaitent médiatiser leur « massacre » recherché. Cette dimension propagandiste et médiatico-psychologique de la guerre est à son comble de part et d’autres : le président syrien affirme avoir le droit de « liquider les terroristes soutenus par les Occidentaux », tandis que le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov accuse les services secrets britanniques de préparer une intoxication - via les « casques blancs » pro-rebelles -, ceci afin d’accuser le camp loyaliste de préparer une « attaque chimique » qui donnerait aux Occidentaux un nouveau prétexte pour bombarder des positions du régime et tenter ainsi de retarder l’avancée du régime sur les dernières poches rebelles et jihadistes. Tandis que les Occidentaux minimisent la réalité d’Idlib, contrôlée à 60 % par les terroristes pro-Al-Qaïda (HTS), les Russes présentent la ville comme un « nid à jihadistes » où les Occidentaux prépareraient la « provocation » de l’intox concernant les « armes chimiques », aux termes d’une mise en scène qui viserait à aider, comme jadis sous la guerre froide en Afghanistan, les forces islamo-terroristes vues comme des « combattants de la liberté » face aux diable russe ex-soviétique.

En guise de conclusion : Moscou et Damas ne sont pas tombées dans le piège occidental de la provocation et des « représailles »

D’évidence, l’objectif russe de terminer la guerre et d’achever la prise de contrôle, par Damas, des territoires rebelles qui lui échappaient afin d’accélérer la phase de règlement politique de la crise, n’arrange pas les Occidentaux, spécialement les Britanniques, premier soutien des rebelles islamistes syriens (mais aussi libyens, etc), et les Etats-Unis, qui ont intérêt de faire durer le statu quo à Idlib. En effet, la pérennité du danger islamo-jihadiste dans le nord et le soutien des Turcs aux groupes islamistes qui massacrent les Kurdes à l’Ouest de l’Euphrate justifient le maintien de l’armée américaine auprès des forces pro-Kurdes à l’Est de l’Euphrate (FDS), qui contrôlent un quart de la Syrie, zone que Washington ne souhaite pas revenir de sitôt au régime syrien…

Toutefois, le 17 septembre dernier, à la grande surprise de tous, la Russie et la Turquie sont parvenus à un accord précaire mais susceptible d’enlever aux Occidentaux un nouveau prétexte pour bombarder le régime syrien et accuser les Russes de « complicité de crimes de guerre » en Syrie : après l’échec du sommet tripartite de Téhéran (7 septembre dernier), Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan se sont finalement mis d'accord le lundi 17 septembre, lors de leur rencontre bilatérale à Sotchi (Russie), sur la création d'une « zone démilitarisée » dans le Nord de la Syrie (Idlib) où les forces gouvernementales et la rébellion seraient séparées. Cette zone-tampon réclamée de longue date par Ankara, sera en place dès la mi-octobre. L’idée est d’isoler et d’exclure les rebelles "d'orientation radicale », dont le Front Al Nosra (HTS, Al-Qaïda en Syrie), dont les jihadistes devront quitter la région. La « zone démilitarisée de 15-20 kilomètres de large" sera contrôlée conjointement par les forces turques et la police militaire russe. Toutes les armes lourdes devront être retirées d'ici au 10 octobre 2018. En fin de compte, en se félicitant de cet accord qui a « évité une grande crise humanitaire à Idleb", les présidents turc Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine, en accord avec Téhéran, ont coupé l’herbe interventionniste sous les pieds des Occidentaux qui criaient déjà à une « catastrophe humanitaire » (« attaques chimiques imminentes »). Il n’en demeure pas moins que le régime syrien ne pourra pas accepter indéfiniment que les rebelles non liés à Al-Qaïda, notamment les milices de l’ex-ASL et du FNL, protégées par la Turquie,

continuent à défier longtemps encore la souveraineté de l’Etat syrien. Reculer pour mieux sauter, peut-on se demander ? L’accord permet certes à Erdogan de ne pas « lâcher » d’un coup ses protégés islamistes-rebelles anti-Assad, et il peut se vanter auprès de ses électeurs islamistes et des capitales sunnites d’avoir obtenu la « zone tampon » qu’il exigeait depuis le début de la guerre, mais cette zone est plus étroite que ce qu’il voulait et elle est probablement précaire, l’important étant pour le néo-sultan de gagner du temps pour permettre aux jihadistes de quitter la zone et de négocier avec les autres rebelles des accords les moins défavorables possibles avec Damas. Quant aux Russes, qui semblent avoir cédé aux exigences turques en renonçant à pilonner les rebelles anti-Assad, ils ont au moins obtenu le départ des jihadistes (qu’ils peuvent attaquer s’ils ne partent pas) ainsi que le recul plus au nord des milices pro-turques qui menaçaient jusqu’à maintenant le fief des alaouites et la ville d’Alep. L’accord russo-turc permet aussi de calmer les faucons américains interventionnistes qui entourent Donald Trump et donc de créer un climat plus propice à une solution politique inclusive pour une sortie de crise qui demeure leur priorité et qu’ils entendent négocier avec toutes les parties prenantes locales, régionales et internationales.

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