La "dhimmitude" volontaire de l’Occident face à l’islamisme conquérant
Nous avons vu dans les feuilletons précédents quelles sont les bases doctrinales du totalitarisme islamiste et du terrorisme salafiste-jihadiste qui n’est que la partie immergé et la plus barbare de l’islamisme. Il est par ailleurs nécessaire d’étudier la perception des non-musulmans dans la géopolitique sunnite classique pour comprendre la nature réelle de la menace islamiste en Europe qui est essentiellement psychologique et asymétrique et qui se cache derrière l’instrumentalisation des thèmes comme la « liberté religieuse » et un prosélytisme apparemment religieux mais en réalité théocratique et conquérant.
1/ Vision des juifs et chrétiens dans la loi islamique et l’islam sunnite classique, références des islamistes radicaux
Dans le dar-el-islam, les gens du Livre, juifs ou chrétiens (ahl al-kitab), sont tolérés s’ils se soumettent à l’islam, s’ils s’acquittent d’un impôt spécial (jiziya), et s’ils professent la religion du Dieu unique (Coran, IX, 109), c’est-à-dire s’ils « n’associent » pas à Dieu d’autres formes de divinités comme la Trinité. Cette « tolérance » relative est donc conditionnée au fait de s’afficher comme un vrai monothéiste, ce qui ne signifie pas uniquement d’être membre d’une religion abrahamique (judaïsme, christianisme, etc.), mais également de s’afficher « croyant en un Dieu unique ». En effet, pour échapper à l’accusation de polythéisme souvent lancée contre les chrétiens trinitaires, les chrétiens d’Orient, notamment de Syrie ou du Liban, ont encore l’habitude d’ajouter à leur signe de croix (« au nom du père, du fils et du Saint Esprit, bismall’Ab, wal eben wal rouh al Qoudous »), « …en la divinité Une, Amen » (« illahen wahed amin »).
Une fois ces conditions remplies par les chrétiens (soumission, paiement de l’impôt et monothéisme affiché en reniement du principe trinitaire), les chrétiens pouvaient être considérés comme étant « protégés », définis dans la tradition musulmane comme « gens du pacte » (Ahl al-Dhimma), ou « Dhimmis », la dhimma signifiant le « pacte de protection » conclu entre l’autochtone non-musulman et le musulman. En fait, la situation des chrétiens « protégés » était conditionnée au bon vouloir des dirigeants musulmans califaux et locaux et aux contextes politiques et économiques et le « pacte de protection » accordé par les musulmans aux autochtones juifs ou chrétiens était plus assimilable à une sauvegarde conditionnelle et non une pleine paix (salam), laquelle est en toute logique théocratique réservée aux musulmans. Ce pacte pouvait donc toujours être rompu par la partie musulmane dominante et « protectrice », car les droits du dhimmi étaient concédés, donc susceptibles d’être annulés de manière unilatérale par les autorités musulmanes. Il n’est dès lors pas étonnant que l’islam classique interdise formellement aux non-musulmans d’occuper des fonctions politico-administratives leur donnant un droit d’injonction sur le croyant, même si le non-musulman est un indigène (Maronites du Liban ; Coptes d’Egypte ; hindous du Bengladesh et du Pakistan etc.).
2/ Islam, judaïsme et christianisme
L’islam classique – Coran, hadith de la Sunna - et a fortiori l’idéologie islamique conçoivent la religion chrétienne comme système religieux tronqué qui détiendrait certes, comme le judaïsme, une part de la révélation abrahamique, mais les chrétiens sont accusés dans le Coran, tout comme les juifs, d’avoir falsifié (harrafa) les Ecritures saintes qui avaient annoncé la venue de Mahomet. Les Nazaréens (chrétiens) auraient divinisé à tort le Christ, certes « envoyé » (nabi), donc prophète, mais uniquement de nature humaine, à l’instar de Mahomet lui-même. Aussi le dogme de la Trinité, fortement reproché aux chrétiens, est dénoncé par le Coran sous le terme péjoratif de shurk, littéralement « association », terme qui désigne autant les idolâtres (moushrikoun : « associationnistes ») que les chrétiens. Véritables « théophages », puisque lors de la communion ils mangeraient un « Dieu fait chair », les chrétiens sont, aux yeux des Musulmans, bien plus proches des païens que des juifs, d’autant plus que Saint Paul, « l’apôtre des Gentils », a fait supprimer la Loi juive que conserveront les Musulmans (loi du sang, loi du Talion, règles alimentaires, circoncision, etc).
A la différence du judaïsme, qui se transmet par le sang de la mère — selon la loi juive ou Halakha — le christianisme est d’autant plus dangereux d’un point de vue islamique orthodoxe ou islamiste radical, qu’il a pour vocation d’évangéliser l’humanité.
Il existe également un fort contentieux historique et géopolitique entre les deux religions et civilisations, toutes deux fondées sur une forme d’universalisme qui confine souvent au prosélytisme et toutes deux rattachées à une base territoriale et culturelle fondatrice identifiée du point de vue civilisationnel.
En ce qui concerne le statut légal que l’islam leur accorde dans le dar-al-harb, les chrétiens sont des dhimmis, tout comme les juifs, les sabéens et les zoroastriens. En dehors du dar-el-islam, où, selon les musulmans, leur nocivité est contrôlée, ils sont considérés dans les textes canoniques de l’islam sunnite orthodoxe comme de « ennemis de l’islam », prêts à venir « agresser les fidèles d’Allah » sur leur territoire, car les islamistes et nombre de penseurs musulmans orthodoxes, demeurent profondément marqués par les Croisades et redoutent l’universalisme concurrent et le prosélytisme chrétiens. Selon eux en effet, l’Europe et l’Occident de tradition historique chrétienne restent, malgré le déclin politique et religieux du christianisme depuis le XVe siècle, les bases territoriales et politico-économiques d’une nouvelle offensive « croisée » dont les formes modernes seraient la colonisation et l’impérialisme. Aussi le discours tiers-mondiste et anti-impérialiste moderne semble-t-il s’accorder, de ce point de vue, avec la doctrine islamique la plus traditionnelle.
D’après nombre d’islamistes radicaux, la division coranique du monde en deux zones n’a jamais eu autant de sens qu’au XXe siècle, premièrement parce que la civilisation chrétienne a occupé illégitimement le dar-al-islam et y aurait entamé un processus de désislamisation-sécularisation des sociétés musulmanes, et, deuxièmement, parce que le monde occidental chrétien ou postchrétien - allié d’Israël, donc « complice du sionisme» (al sayouniya) - s’apparenterait de plus en plus à un monde de « l’impiété » (kafara) et de « l’associationnisme » (shurk, paganisme), assimilable à la jahiliyya ( du terme arabe jahili, ignorant), ce qui renvoie à la période anti et antéislamique fortement dénigrée dans le Coran et qui précéda la venue de l’islam en Arabie. Ainsi, dans leur objectif de justifier les violences ou massacres à l’encontre des chrétiens, les sourates qui les assimilent aux idolâtres (IX, 29, 30 ; XXXI, 13 ; IV, 48 ; XV, 94) apparaissent pour les islamistes radicaux parfois plus adaptées à notre époque sécularisée que celles soulignant l’ascendance mosaïque et abrahamique commune.
3/ La dhimmitude des chrétiens en terre d’Islam
Pour revenir tout d’abord au contexte originel de cette situation de minorité « dhimmie », rappelons que la conquête arabo-islamique ou Fath balaya le Proche et Moyen-Orient en moins de 20 ans entre 632 et 652 après JC et qu’au nom du djihad, des populations chrétiennes entières vivant dans les empires perse et byzantin passèrent subitement sous domination arabe en tant que harbiyûn, ou habitants du dar al-harb. Ces chrétientés issues des empires non-musulmans vaincus et bientôt passées sous contrôle arabo-islamique furent par conséquent soumises au nouveau pouvoir islamique qui leur accorda un statut spécial dit de protégés (ahl al-dhimma).
Ces chrétiens bénéficièrent d’une sauvegarde (aman), à condition de se soumettre aux lois des musulmans et d’accepter un statut d’infériorité inhérent à la condition de peuple vaincu. Pour survivre, ces chrétiens d’Orient acceptèrent, comme les juifs, la condition de dhimmitude, d’après le néologisme forgé par l’historienne anglo-égyptienne Bat Yé’Or.
La dhimma accordée aux chrétiens ne signifiait pas que le protégé cessait d'être non-musulman : il était toléré en tant qu’adepte d’une religion abrahamique. Le Coran est clair sur ce point : "Combattez ceux qui ne croient pas en Dieu, au jour dernier, qui ne considèrent pas comme illicite ce que Dieu et son prophète ont déclaré illicite, ainsi que ceux qui, parmi les gens des Ecritures ne pratiquent pas la religion de la vérité, jusqu'à ce qu'ils paient, humiliés, et de leurs propres mains, le Tribut » (Coran, IX ;29). Ainsi, le Coran, et les traités de charia enseignent que les peuples du Livre doivent payer le tribut après avoir été « humiliés ». D’où la coutume qui consistait à humilier publiquement le chef de la communauté juive ou chrétienne, lors de la remise du tribut au chef musulman local, qui donnait une estocade et insultait symboliquement le responsable dhimmi. Certes, l’humiliation variait suivant les pouvoirs. En fait, la finalité des persécutions ou humiliations infligées aux chrétiens par la charia, visait soit à les amener à embrasser l'islam, soit à les forcer à quitter des territoires islamiques (exil).
Mawardi, célèbre juriste de l’école chaféite de Bagdad, mort en 1058, écrivait : « ils [les Dhimmis] ne peuvent élever en pays d’islam de nouvelles synagogues ou églises, qui sont, le cas échéant, démolies à leur détriment ; Ils peuvent [seulement] réédifier les anciennes synagogues ou églises tombées en ruine ». Théoricien du pouvoir dans l’islam, Mawardi pose le postulat d’un Califat mondial destiné à placer l’univers sous la loi de l’islam. Il préconise l’institution de l’esclavage comme moyen de compensation et de réparation pour les non-musulmans, il détermine les règles du droit de la guerre et du régime vexatoire à appliquer aux tributaires (dhimmi) de l’islam : les non-musulmans doivent porter des costumes distinctifs, se soumettre à de nombreuses interdictions (armes, cheval), leur témoignage n’est pas valable en justice et enfin, ils doivent payer le tribut spécifique. Pour ce qui est des relations individuelles entre musulmans et non-musulmans, « aucune amitié civique, aucun fellowship n’est possible ». Le Coran interdit de contracter amitié avec le polythéiste, le juif et le chrétien (Coran V, 56), le non-musulman étant foncièrement vu comme mauvais et impur d’un point de vue musulman. En ce qui concerne les habitants des territoires non encore soumis à la théocratie islamique, le Coran et la Loi islamique ne leur accordent aucun statut légal plus ou moins protecteur tel que la dhimma.
La tradition islamique assure que le premier pacte de protection passé avec les dhimmis fut le fait du calife Omar (581-644), deuxième calife de l'islam et successeur d’Abou Bakr en 634. Ce pacte, connu comme « pacte de Omar », a été souvent désigné sous ce nom parce qu’il figurait dans le traité que le premier calife signa avec les chrétiens de Syrie. Il réunit un ensemble de dispositions régissant les droits, devoirs et interdictions des non-musulmans et leurs rapports avec les musulmans. Le « pacte de Omar » est le document de base sur lequel s’appuient la jurisprudence islamique et l’enseignement canonique sunnite pour encadrer le statut des dhimmis en terre islamique.
Ce texte stipule que les gens du Livre régis par la dhimma, sont politiquement et socialement soumis au mode de vie islamique inscrit dans la charia. Ils n’ont aucun droit de manifester le moindre prosélytisme. Par contre, ils sont obligés de suivre certains impératifs sociaux établis par la charia, et doivent accepter le prosélytisme musulman sans protester, y compris lorsque les musulmans viennent prêcher l’islam dans leurs lieux de culte. D’après la lettre de la charia, « il est interdit aux Dhimmis de monter à cheval. Les jours de fête, ils ne devront brandir ni étendards, ni armes. Il leur est d’ailleurs interdit de conserver des armes chez eux. Ils ne devront jamais s’opposer à l’entrée d’un musulman dans une église ou une synagogue. Les maisons ou édifices publics des Dhimmis devront être moins élevés que ceux des musulmans. Le mariage d’un Dhimmi et d’une musulmane est proscrit et sévèrement puni, l’inverse étant permis à condition que les enfants soient musulmans. Les charges publiques qui, de droit, sont ouvertes aux non-musulmans sont celles comportant un simple wilaya d’exécution et non pas juridiction et autorité sur les musulmans ».
Le « pacte de Omar », précise que les chrétiens « ne peuvent jamais élever de constructions plus hautes que celles des musulmans », ne « doivent jamais froisser les oreilles musulmanes par le son de la cloche, la lecture de leurs livres et leurs prétentions au sujet du Messie », ne « jamais se livrer publiquement à la consommation de vin non plus qu’à l’exhibition de la croix ou de leurs porcs », ne « pas ensevelir leurs morts avec pompe, en faisant entendre leurs lamentations et leurs cris », ou encore ne jamais « employer pour monture des chevaux de race ou de sang mêlé, et ne se servir que des mulets et des ânes ». La dhimma peut être rompue si les dhimmis « attaquent le Livre sacré ou en faussent le texte », s’ils « accusent le Prophète de mensonge ou parlent de lui avec mépris », ou même simplement s’ils « contestent la religion ou la blâment ». De même, les chrétiens redeviennent les cibles du djihad dès qu’ils approchent une musulmane en vue de relations illicites, détournent de la foi un musulman, s’ils « insultent l’islam » (ex : caricatures de Mahomet de Charlie Hebdo, etc), etc. Le « pacte de Omar » et les règles de la charia classique stipulent que les dhimmis doivent se vêtir d’une manière distinctive, ils doivent nouer le zunar (large ceinture) autour de leur taille, ils ne sont pas autorisés à porter des armes ou à avoir une selle sur leur cheval. Ils ne peuvent pas être des hauts-fonctionnaires, témoigner lors de procès impliquant des musulmans, épouser des musulmanes, avoir des domestiques musulmans, ou hériter de musulmans. Leurs sœurs et filles ne peuvent pas être refusées à un musulman, tandis qu’ils n’ont en aucun cas le droit d’épouser ou d’approcher une musulmane. Le chrétien peut en revanche toujours toujours devenir musulman, alors qu’un musulman qui quitte sa religion est puni de mort. Ainsi, les enfants d’un chrétien qui se convertit à l’islam, pour répudier sa femme, deviennent automatiquement musulmans et leur mère n’a plus droit à la garde des enfants. Ils ne peuvent s’opposer au prosélytisme musulman, même dans leurs églises ou synagogues, alors que tout prosélytisme chrétien est sévèrement puni. Leur témoignage vaut la moitié de celui des musulmans. Ils ne peuvent faire sonner les cloches, faire des processions avec une croix, solenniser les services funèbres, ou même vendre des objets cultuels aux musulmans. Enfin, ils ne peuvent point construire de nouveaux lieux de culte, car cela signifierait qu’ils occupent une terre islamique qui ne peut jamais être cédée aux non-musulmans une fois devenue territoire sacré d’Allah.
Ainsi s’explique le fait que du Maroc au Pakistan, les musulmans orthodoxes ou intégristes, mais également les poètes et les dirigeants, pleurent encore la « perte » des territoires conquis par l’islam dans le passé, telles l’Andalousie, la Palestine, la Sicile, etc. D’ailleurs, lorsqu’Oussama Ben Laden et son maître spirituel, Abdullah Azzam, revendiquèrent dans maints discours ou écrits, la récupération d’Al-Andalous (l’Espagne musulmane passée) et le rétablissement du Califat aboli par l’apostat Atatürk, ils firent ainsi appel à une représentation particulièrement chargée sur le plan symbolique et émotionnel, susceptible d’émouvoir les masses musulmanes et surtout les militants islamistes et les religieux les plus orthodoxes et intégristes qui pleurent encore la perte des anciens territoires du Califat perdus par les musulmans.
Aujourd'hui, les minorités chrétiennes des pays arabes et musulmans subissent encore de manière certes diffuse et partielle, parfois contra legem, des effets plus ou moins forts de la dhimmitude. Depuis la fin du dernier califat islamique ottoman en 1924, la dhimma ou dhimmitude connut des adaptations significatives et fut même souvent abolie officiellement. Mais elle demeure encore souvent présente dans les esprits et dans la pratique, même si le mot dhimmi n’est plus employé au niveau officiel excepté dans les rares Etats islamiques comme l’Arabie saoudite, l’Iran, le Soudan, la Somalie, etc, où la charia est la source primordiale des lois. C’est pourquoi en Egypte ou au Maghreb, par exemple, pays réputés en guerre contre l’islamisme radical, des tracasseries innombrables gênent quotidiennement la construction ou la restauration des lieux de culte chrétiens. En Irak, les hautes responsabilités de Tariq Aziz, chaldéen, dans ses fonctions de vice-Premier ministre d’Irak, furent une exception.
4/ L’Absence totale de réciprocité dans les relations islamo-chrétiennes
Il est toujours intéressant de se pencher sur l’attitude d’Etats membres de l’Organisation de la Coopération islamique (OCI), comme le Pakistan, qui, depuis 1999, ont présenté différentes résolutions sur la « diffamation des religions » au Conseil des droits de l’homme et ont exigé du Conseil des droits de l’homme de l’ONU notamment, le 16 juin 2010 (s’exprimant au nom des pays de la Coopération islamique, OCI), une action énergique contre l’islamophobie qui puisse avoir un effet contraignant sur les démocraties occidentales supposées « hostiles à l’islam »», notamment envers les populations musulmanes issues de l’immigration extra-européenne. Or nous constations que le Pakistan, Etat qui a instrumentalisé les Talibans dès les années 1990 pour contrôler l’Afghanistan (voir chapitre 1), fait partie des pays où les minorités en général et chrétiennes en particulier sont les plus menacées et persécutées au monde.
De la même manière, le 25 mars 2010, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU condamna solennellement l’islamophobie, notamment le profilage ethnique et religieux des musulmans en Europe, ou encore l’interdiction des minarets en Suisse. Si les responsables des organisations internationales chargées de la lutte contre les formes d’intolérances diverses, et les autorités des pays où les minorités chrétiennes sont persécutées ne semblent pas s’être mobilisés contre les persécutions des chrétiens, c’est en partie parce que le rejet des chrétiens dans le monde apparaît souvent comme l’une des modalités de la réaction envers l’impérialisme occidental et la religion majoritaire qui lui est associée, c’est-à-dire une variante du phénomène de « seconde décolonisation », spirituelle et cultuelle celle-ci.
En dehors du cas extrême de l’Arabie saoudite, la quasi-totalité des pays musulmans reconnaît sur le papier le droit à la liberté de conscience des minorités chrétiennes. Mais dans des pays officiellement laïcs ou tolérants comme la Turquie, le Maroc, la Tunisie ou l’Egypte, le principe de liberté confessionnelle s’oppose au fait même que l’islam est proclamé comme religion d’État et a fortiori au fait que la charia soit, sauf en Turquie, officiellement laïque, l’une des sources de la loi et de la légitimité même de l’Etat.
Certes, les Etats musulmans sont tous signataires de la Déclaration universelle des droits de l’homme, dont l’article 18 stipule que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites ». Mais dans les faits, les chrétiens et les non-musulmans en général qui résident en terre d’islam doivent se conformer à l’application de la charia, qui prévaut souvent sur les lois temporelles, exceptés en Tunisie et en Turquie et des pays ex-communistes des Balkans et d’Asie centrale.
5/ La peine de mort pour l’apostasie
Ainsi, en1981, les 57 pays musulmans membres de l’Organisation de la Coopération Islamique adoptèrent à l’unanimité une « Déclaration islamique des droits de l’homme » qui conditionne la liberté de conscience au respect de la charia. Selon cette déclaration islamique, les musulmans quittant l’islam sont des apostats coupables de trahison (ridda), crime suprême, c’est-à-dire passible de sanctions pénales pouvant aller jusqu'à la mort dans les Etats où la charia est appliquée. On peut citer par exemple le hadith (l’une des sources de la loi islamique) rapporté par Ibn Abbas, « celui qui change de religion, tuez-le », puis le verset du Coran : « Il n’y aura pas de changement aux paroles d’Allah » (X ; 64).
D’une manière générale, l’ensemble de la scolastique musulmane classique enseignée dans les universités islamiques sunnites (référence des islamistes radicaux et terroristes) mais aussi de pays chiites comme l’Iran, rejette catégoriquement le droit de changer de religion pour tout musulman né comme tel. C’est par conséquent afin de se conformer à cette loi intangible à laquelle sont attachés la totalité des pays musulmans, y compris les plus laïques, sauf l’Albanie et la Bosnie sécularisées, que les Nations Unies, ont révisé, en novembre 1981, sous la pression de l’OCI, Pakistan et Arabie Saoudite notamment, l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaissant la liberté de conscience.
Ainsi, dans sa nouvelle version, l’article sur la liberté de foi et le droit de changer de religion a été supprimé au profit du simple droit d’avoir une religion. Dans la plupart des pays musulmans - exceptés les cas extrêmes des pays balkaniques et centre-asiatiques largement désislamisés par le communisme pendant toute l’ère soviétique - l’un des mobiles des violences antichrétiennes est le prosélytisme chrétien, véritable pierre d’achoppement des religieux.
Comme je l’ai expliqué dans mes ouvrages, notamment Les vrais ennemis de l’Occident (L’Artilleur), l’incroyable preuve de non-réciprocité et d’absence d’égalité en matière religieuse réside dans le fait que le monde islamique christianophobe, judéophobe et « paganophobe » punit légalement ou violemment tout prosélytisme des autres religions sur son sol alors qu’il accuse « d’islamophobie » et de « racisme religieux » ceux qui s’opposeraient au prosélytisme islamique en terre « infidèle ». Mais cet apparent paradoxe ou « double standard » est en fait très cohérent avec l’esprit de la charià. De ce fait, les vrais responsables de la situation d’absence de réciprocité décrite ici sont en réalité nos dirigeants politiques européens et les forces « progressistes » qui ont favorisé la progression des pôles de l’islamisme conquérant (au détriment des leaders musulmans modérés et réformistes) sur notre sol au nom d’une tolérance à sens unique sans jamais rien exiger en échange la liberté religieuse en terre musulmane, et même en abandonnant à leur triste sort les chrétiens d’Orient et les libres penseurs ou autres minorités non « islamiquement correctes » persécutés en terre islamique.
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