Retour en force de la Russie et de l’Iran, déclin de la gauche en Amérique du Sud, relations sino-am
Alors que l'année 2016 touche à sa fin, Atlantico propose à ses lecteurs une série de prévisions pour le millésime 2017. Selon Alexandre del Valle, cette année pourrait bien être notamment celle du grand retour de la Russie au plus haut niveau de l'échiquier mondial.
Je pense que cette année 2017 sera placée sous l'angle du grand retour de la Russie (déjà initié en 2015) sur la scène internationale. Et ce, notamment parce que les Russes sont en train de libérer une partie de la Syrie de ses opposants islamistes et djihadistes, ce qui leur permettra de peser beaucoup plus dans les négociations et d'imposer leur agenda. La transition en Syrie sera de plus en plus possible, et ce sont les Russes qui vont donner le ton. Par ailleurs, l'arrivée de Donald Trump aux affaires Outre Atlantique à partir de janvier-février débouchera très probablement sur une nouvelle entente "panoccidentale" favorable à la Russie, laquelle sera confortée en tant qu'acteur important sur la scène internationale, presque à parité diplomatique avec les États-Unis.
La volonté de Trump de se rapprocher de Moscou est littéralement révolutionnaire aux Etats-Unis. Dans le même temps, comme l'a récemment déclaré Vladimir Poutine, le pétrole va forcément continuer de remonter et permettre en conséquence au pays de Poutine de contrecarrer la terrible crise économique. Peut-être même que les sanctions contre la Russie seront abandonnées, au moins du point de vue américain si Trump tient ses promesses de campagne, ce qui pourrait aussi animer un François Fillon réputé pro-russe et hostile aux sanctions s'il arrivait aux affaires. Pour toutes ces raisons (remontée du pétrole, virage majeur en Syrie, reset de Donald Trump/Fillon avec Moscou– et la nomination annoncée de Rex Tillerson comme futur Secrétaire d'Etat étasunien est tout à fait significative ici), 2017 devrait être l'année de la Russie.
Au niveau régional, je pense également à un retour de l'Iran, notamment en Irak, à la faveur de la reconquête actuelle du pays face à l'État Islamique. Les grands perdants risquent ici d'être les Kurdes en Syrie et en Irak, si la Turquie continue à s'entendre avec Poutine et à les prendre en sandwich. Depuis les printemps arabes et le chaos qui s'en est suivi, les Kurdes avaient beaucoup d'espoir dans leur recherche d'indépendance, mais ils risquent désormais d'être freinés dans cet objectif malgré leur période d'expansion démographique et militaire. Même si c'est selon moi une marche inéluctable, les Kurdes devraient prochainement connaître des revers diplomatiques et le processus d'indépendance de plus en plus nette du Kurdistan syrien et irakien, annoncé depuis quelques temps, devrait donc être quelque peu freiné.
L'Iran sera l'un des grands gagnants, comme depuis 2003, de cette recomposition du Moyen-Orient, en Irak notamment. Le démantèlement du régime sunnite laïc de Saddam Hussein a permis de faire en sorte que la moitié de l'Irak (chiite) soit sous contrôle de l'Iran. Les milices chiites irakiennes pilotées par l'Iran sont très présentes en Syrie et en Irak, et le vainqueur demande toujours tôt ou tard des dividendes, ce qui est logique. Le régime iranien devrait donc renforcer sa profondeur stratégique à la faveur d'une victoire contre l'État Islamique et l'opposition sunnite en Irak et en Syrie. Le seul problème immédiat vis-à-vis de l'Occident sera la volonté/promesse de Trump d'annuler ou amender sérieusement l'accord sur le nucléaire iranien qui a ouvert des prespectives économiques alléchantes pour le régime iranien ruiné par les sanctions depuis des années, surtout lorsque le cours du pétrole a dégringolé.
La grande énigme de 2017 sera probablement la Chine. Adoptera-t-elle une attitude de confrontation avec Donald Trump, comme certains le prédisent après le fameux coup de téléphone avec la leader de Taïwan, ou y aura-t-il au contraire une entente pragmatique, ce qui a également été évoqué par plusieurs voix chinoises qui voient d'un bon œil la volonté du nouveau président américain de remettre en cause des accords de libre-échange asiatique qui n'arrangeaient pas la Chine, laquelle voudrait les remplacer par des accords de libre-échange intrazone concurrents pilotés par elle?
Une autre tendance peut être observée en Amérique Latine, avec le déclin de la fameuse voie de gauche initiée au début des années 2000 (chavisme, bolivarisme, néo-péronisme, indigénisme anti-américain, etc.). On assiste aujourd'hui à un vaste reflux de la gauche et de l'extrême-gauche anti-américaine et à un retour partout des libéraux et de la droite dans cette partie du monde (Brésil, Argentine, bientôt Vénézuela, etc). Cela changera bien sûr la donne vis-à-vis de l'Occident et des États-Unis.
Sur le plan du climat, on peut noter que Donald Trump est fortement climato-sceptique, ce qui préoccupe de très nombreuses entités, Etats et institutions internationales impliquées dans ce dossier et qui avaient beaucoup fondé d'espoirs depuis le changement d'attitude des Chinois et des Américains (Obama) dans le cadre de la COP 21. Depuis, la Chine est presque devenue plus favorable à des mesures pro-environnementales que les États-Unis (bien qu'Obama ne soit pas cimatosceptique contrairement à Trump), et le fait que la plus grande puissance économique et industrielle du monde devienne à ce point climato-sceptique n'est pas pour rassurer tous ceux qui voulaient améliorer la situation suite aux grands espoirs suscités par la COP21 en France et la COP22 au Maroc... En effet, Donald Trump ne devrait pas aller dans le sens d'efforts contraignants pour que les pays réduisent leurs émissions et accélèrent la transition énergétique.
Enfin, on observe partout face à la fameuse expression de "mondialisation heureuse" un phénomène inverse de "démondialisation". Cela ne veut pas dire que la globalisation devienne caduque, mais il y a clairement un retour au souverainisme, au populisme, au protectionnisme et au national tout court d'un point de vue économique, idéologique et politique, avec une requête de "démondialisation" (phénomènes protectionnistes en Chine, aux États-Unis, réactions identitaires populistes, critique des accords de libre-échange, etc.). C'est un constat majeur fait par plusieurs économistes eux-mêmes, avec des implications politiques lorsque des nations se rendent compte qu'il n'y a pas qu'à gagner avec la mondialisation… On assiste donc en conclusion au grand retour de la Realpolitik (Russie, Etats-Unis, Chine, Inde, Turquie, etc), et du souverainisme.
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