Pour une union stratégique russo-occidentale face à la menace islamiste commune
Après plusieurs articles-feuilletons consacrés aux différents pôles du totalitarisme islamiste décrits en détails dans son ouvrage : "Les vrais ennemis de l'Occident" (L'Artilleur), Alexandre del Valle propose ici des pistes de "résistance" et de défense non seulement face au terrorisme, mais surtout face aux "vrais ennemis" de l'Occident qui sont à tort considérés comme des "alliés" (Arabie saoudite, Qatar, Koweit, Pakistan, Turquie néo-ottomane, Frères Musulmans, Ligue islamique mondiale, etc).
Nous avons vu dans les épisodes précédents qu'une vraie stratégie globale multiforme pour contrer le totalitarisme islamiste dans nos sociétés ouvertes est possible. Nous aborderons dans cet épisode deux points essentiels et complémentaires.
1/ nos sociétés occidentales ouvertes à tous les vents communautaristes et islamistes - par mauvaise compréhension du pluralisme et par ethno-masochisme - sont en revanche (malgré la fin de la guerre froide) fermées à l'allié naturel russe, rejeté à tort de l'Occident.
Il est urgent d'engager une vraie réconciliation avec Moscou et d'enterrer définitivement la hache de la guerre froide afin de bâtir un « alter-occident » ou un « Pan-Occident » rénové et recentré sur son pré-carré géocivilisationnel, ceci dans le cadre du monde multipolaire qui vient et d'un retour de la realpolitik sur les ruines de l'utopie du Village mondial. Ensuite, nos sociétés médiacratiques et gagnées par la dérive démagogique crainte par Platon et Aristote sont plus que jamais prisonnières de la société du spectacle qui oblitère la souveraineté et détruit l'ethique de responsabilité. Nos sociétés ouvertes - si bien définies par Karl Popper, dont on devrait relire les salutaires avertissement - doivent d'urgence renouer avec une démocratie véritable et responsable en mettant fin à la nouvelle tyrannie des médias dominés par des Ligues de vertus anti-nationales qui ont pris le dessus sur les politiques élus par le peuple. Au nom d'une arrogance vision élitiste qui viserait à « éduquer » le peuple et à se méfier de ses élans identitaires, ceux-ci diabolisent la Nation, soumise à la reductio ad hitlerum, et ils donnent le ton en terrifiant-disqualifiant systématiquement les réfractaires à leur magistère moral et ne rencontrent aucun contre-pouvoir. Ceci revient en fin de compte à menacer l'essence même de la démocratie souveraine fondée sur l'équilibre des pouvoirs et la souveraineté populaire.
Pour une union stratégique russo-occidentale face à la menace islamiste commune
L’Europe de l’Ouest, la Russie et les Amériques participent d’une même civilisation judéo-chrétienne, certes largement laïcisée, mais dont l’influence est encore palpable. Elles sont les trois composantes d’un même ensemble géocivilisationnel, certes divisées sur un certain nombre de valeurs (droits de l’homme, place des minorités, conception de la liberté et gestion politique), mais unies par ce qui compte et rapproche le plus : l’appartenance à une même civilisation d'origine européenne et judéo-chrétienne et marquée par le droit romain, la philosophie grecque puis la place centrale de l'homme et de la Raison. D’où la nécessité d’arrimer la Russie à un ensemble géocivilisationnel qui unirait enfin des peuples de culture européenne devant faire face aux mêmes ennemis extérieurs et aux mêmes défis intérieurs (démographie, immigration, problèmes sociaux-économiques, avancée du Politiquement correct, etc).
En période de raréfaction des énergies fossiles et de la trop forte dépendance énergétique envers les pays du Golfe, parrains du totalitarisme islamiste, la Russie peut à la fois apporter à l'Europe de l'Ouest des ressources fossiles dont elle regorge, ainsi que sa formidable profondeur stratégique et sa « force de frappe » militaire, spatiale, culturelle, scientifique et diplomatique. De plus, la Russie de Vladimir Poutine, qui revient de loin après avoir subi le totalitarisme rouge puis la très brutale transition, pourrait constituer un facteur d'équilibre dans les relations internationales lorsqu'elle rappelle aux Occidentaux que leur prétention à l’universalisme les pousse parfois à l’autodestruction, lorsqu'elle empêche les Occidentaux de reproduire leurs erreurs de regime change comme on l'a vu en Syrie, et lorsqu'elle démontre, comme lors de la spectaculaire réconciliation avec le néo-sultan turc Erdogan, en août 2016, qu'un discours de fierté nationale et une realpolitik décomplexée et ferme, surtout avec des Etats qui testent les réactions et pratiquent un double jeu, est bien plus payant que la repentance et les messages de couardise que la Turquie et tant d'autres pays non-occidentaux méprisent.
La Russie n’est pas antioccidentale ou anti-européenne. Elle appelle en revanche à renoncer à l'universalisme impérialiste - qui dénature l'identité occidentale autant qu'il la discrédite aux yeux des autres pôles géocivilisationnels - et à lui substituer la simple défense des intérêts nationaux dans le cadre d’un monde multipolaire décomplexé et fondé sur un équilibre. La Russie, comme d'autres Etats asiatiques, latino-américains ou africains, las de l'ingérence néocoloniale de l'Occident atlantiste et de sa morale internationale à deux vitesses (tolérance envers la Chine et les monarchies du Golfe pro-djihadistes, mais diabolisation de la Syrie de Bachar, de la Libye de Kadhafi ou de la Côte d'Ivoire de Gbagbo) nous invite à revenir à la realpolitik, à s’occuper de nos propres affaires (et en premier lieu de notre survie et de nos intérêts directs), plutôt que de donner des leçons d’universalisme et de morale souvent hypocrites au reste du monde.
La Russie, « membre de droit » de la civilisation euro-occidentale
La Russie pourrait apporter à l’Occident, si celui-ci comprenait qu’elle en est “membre de droit”, une vision décomplexée et réconciliée de l’identité et une conception non impérialiste, plus multilatérale, plus multipolaire des relations internationales. Ceci permettrait à l’Occident d’être moins détesté, car l’une des causes majeures de la haine envers lui vient de sa prétention universaliste et de son hégémonie masquée derrière le prétexte de la défense des droits de l'homme. Ceux-ci ont d'ailleurs hélas été largement discrédités à force d'en abuser pour justifier des bombardements de populations civiles innocentes en Irak, en Libye ou en Afghanistan ou autres formes d'ingérences sources de conflits et de chocs de civilisations.
Ayant souffert du totalitarisme communiste et s’en étant libéré, la Russie peut apporter à l’Occident, rongé par la culpabilisation une fierté collective auxquels ne semblent avoir droit aujourd’hui, en vertu du politiquement correct, que les non-Européens et les minorités. De l’extérieur, les Russes reconnaissent dans le terrorisme intellectuel, qui détruit les pays occidentaux - dont les citoyens sont de moins en moins libres de s’exprimer et sont exposés en permanence au contrôle et au lynchage idéologico-médiatico-judiciaire - l’équivalent de ce qu’ils ont connu avec le marxisme soviétique qui envoyait aux goulags les opposants traités de « bourgeois » ou de « fascistes ».
Les Russes savent très bien d’où vient le virus de la haine de soi et du politiquement correct, car ils en ont été les premières victimes lorsque, sous l’Union soviétique, empire à prétention universelle comme Mac World (Occident impérial), ils n’avaient pas le droit d’être fiers de leur identité nationale russe, diluée dans la pseudo identité idéologique soviéto-communiste, sans être traités de « fascistes » par les vrais fascistes rouges qui reproduisent le même terrorisme intellectuel dans l'Occident libéral de façon moins violente mais aussi déterminée.
Nous avons développé dans un ouvrage précédent l'idée selon laquelle le pire ennemi de « l'Occident civilisationnel », que nous défendons, est « l'Occident Mac World », cet empire mondial qui a dilué le premier dans les intérêts marchands-consuméristes et qui voit dans l'identité des nations européennes et leurs traditions (puis surtout dans la Russie nationaliste) les ultimes obstacles à sa mutation cosmopolitique réclamée tant par les multinationales et les économies d'échelle que par les idéologues marxistes qui rejoignent les premiers dans l'utopie mondialiste et antinationale.
L'Occident libertarien et matérialiste (Mc World), producteur de nihilisme, court de façon certaine à sa perte sur le moyen et long terme pour la bonne raison qu'aucune nation et aucune civilisation ne survit dans répondre à la demande existentielle d'identité de ses composantes péjorativement appelées les masses. Sa suprême arrogance est de croire qu'il va pouvoir absorber et acculturer des masses islamiques du tiers monde, quant à elles naturellement très attachées à leurs identités ethno-religieuses et civilisationnelles, au nom de sa religion multiculturaliste et par le seul pouvoir d'attraction de l'hédonisme et de la consommation. En réalité, le vide spirituel que Mc World produit en tuant ses racines chrétiennes fait le lit d'autres civilisations plus combattives, notamment celle de l'islamisme revanchard. L'Occident qui refuse son identité et la persécute en croyant ainsi édifier l'empire de Babel et le village global de Mc World ne fait que scier les branches et même couper les racines de son arbre géocivilisationnel et est déjà en train d'être remplacé dans de nombreuses zones de non-Occident, sur son propre sol, par les valeurs et volontés de puissances identitaires plus combatives. Cette idée avait été magistralement exprimée par le grand sociologue américain Benjamin Barber dans son ouvrage Jihad versus Mc World.
On ne peut reprocher aux pôles conquérants de l'islamisme revanchard leur soif de conquête, leur détermination à atteindre des objectifs de conquêtes inscrits dans leurs valeurs suprêmes universalistes-prosélytes et néo-impériales, mais notre devoir est de défendre nos valeurs sur notre sol et de réhabiliter l'identité collective occidentale afin de donner du sens et de ne pas voir notre modèle culturel remplacé par un autre qui ne se considère ni amical, ni compatible et encore moins soluble dans un melting pot relativiste et multiculturel.
Inévitablement, l'islamisme conquérant continuera de remplir le vide de sens que nos élites démissionnaires ont favorisé en abandonnant l'université, la culture et les médias aux élites nomades anti-identitaires et en acceptant que le politique soit soumis au politique.
Avec la Russie en son sein, l'Europe et l'Occident seraient plus à même de défendre leurs intérêts géocivilisationnels, notamment face à l’islamisme radical, qui se nourrit de notre faiblesse et se pose en alternative à « Mc World », mais surtout face à nos propres démons et notre repentance devenue suicidaire. De deux choses l'une, si l'Occident véritable est la civilisation chrétienne européenne, la Russie est membre de plein droit du PanOccicent que l'on peut bâtir avec elle dans le cadre d'une survie civilisationnelle. Mais si l'Occident Mc World a réussi à capter l'Occident et à le dénaturer, alors il convient de bâtir avec la Russie un « Alter-Occident », ce que le pouvoir renaissant de Moscou est déjà en train de faire. C'est cette entreprise de réappropriation civilisationnelle chère à Vladimir Poutine, aux peuples anciennement dominés par le totalitarisme soviétique et à la Russie en particulier qui explique en partie les réactions russophobes convulsives à la fois en provenance des milieux atlantistes ou « Mc World » et des milieux « cosmopolitiquement corrects » marxistes tout aussi hostiles aux frontières et aux nations souveraines. Avec la Russie en son sein et non opposée à lui, l’Occident réconcilié avec son identité judéo-chrétienne et européenne fondatrice serait « au complet », plus achevé. Il récupèrerait son « poumon » orthodoxe ou « post-byzantin », donc ses racines les plus lointaines, hélas méconnues. Car on ne doit jamais oublier que la Russie est, selon l’expression consacrée, la « troisième Rome », l’héritière de l’empire byzantin gréco-romain, lui-même héritier de l’empire romain d’Occident dévasté par les Barbares et “délocalisé” alors à Byzance.
Pour survivre face à leurs ennemis extérieurs - qui veulent le conquérir en subvertissant sa tolérance pour mieux répandre leur intolérance, comme le craignait Karl Popper – autant qu'à leurs ennemis intérieurs, qui s'emploient quant à eux à disqualifier ceux qui résistent, les peuples occidentaux n'ont qu'une seule issue pour survivre en tant que civilisation : se remettre en question, se renouveler, exactement comme devra tôt ou tard le faire la civilisation musulmane, qui, pour vaincre son excroissance totalitaire, doit se réformer radicalement sauf à rentrer en guerre avec le reste du monde, comme l'a averti le président Abdel Fatah Al-Sissi devant les imams d'Al-Azhar début janvier 2015. En attendant cette réforme qu'il juge lui-même très difficile, si nos sociétés ne peuvent ni n'ont le droit d'obliger les autres civilisations à s'occidentaliser, et si elles ne peuvent pas et ne doivent pas obliger le monde musulman à penser comme elles, elles ont en revanche le droit et même le devoir de défendre sur seul et dans leur précarré leurs propres valeurs et règles de façon aussi décomplexée que ceux qui les combattent.
Concernant la question du terrorisme, ou du "dihadisme 3.0", qui est, comme on l'a vu, un terrorisme intrinsèquement « publicitaire », médiatique, qui se nourrit du culte du sensationnel et qui utilise les moyens de communication les plus modernes et massifs comme haut-parleurs et relais, là aussi, il est intéressant de relire l'un des derniers écrits de Karl Popper, bien moins célèbre que La société ouverte et ses ennemis mais qui mériterait d'être autant lu : La télévision : un danger pour la démocratie. Dans ce court ouvrage, Popper redoutait et annonçait le pouvoir hors contrôle et dénué de tout contre-pouvoir que sont les médias et la télévision en particulier.
« La télévision, dont l’influence peut être terriblement nocive, pourrait être un formidable outil d’éducation, remarquait-il en préambule, mais « son niveau a baissé parce que les chaînes de télévision, pour maintenir leur audience, se trouvaient dans l’obligation de produire de plus en plus d’émissions à sensation. Or ce qui est sensationnel est rarement bon (...). Depuis que la télévision est apparue : on ajoute toujours plus de piment sur des plats (...). La violence, le sexe, le sensationnel, sont les moyens auxquels les producteurs de télévision recourent les plus facilement : c’est une recette sûre, toujours apte à séduire le public (…). La télévision produit de la violence et introduit celle-ci dans des foyers qui autrement ne la connaîtraient pas (…). Comme nous l'avons vu, les terroristes le savent, en usent et en abusent. Ils ont compris que dans une société du spectacle de plus en plus blasée par une surenchère permanente à la violence et au sensationnel toujours plus crash et cash, le terroriste bat tous les record d'adrénaline, de sensationnel et de « live ». Son hyper violence totalement déculpabilisée et diffusée en direct détrône les émissions de téléréalité les plus et tous les jeux vidéo les plus sanguinaires. Le co-auteur de cet opuscule, John Condry, psychologue, ancien codirecteur du Centre de Recherches sur les effets de la télévision, remarque justement dans le chapitre intitulé « Voleuse de temps, servante infidèle », qu'à la télévision, « les enfants saisissent une partie seulement » des programmes, aussi, « lorsqu’ils voient des scènes de violence, il est probable qu’ils concluent à leur façon que 'c’est le plus fort qui a raison' ». Les djihadistes 3.0 en sont parfaitement conscients, et ils comptent sur cette idée de soumission à la loi du plus fort et du plus cruel pour subjuguer-sidérer progressivement l'ennemi infidèle jusqu'à provoquer un syndrome de Stokholm généralisé et relayé également par les professionnels de la repentance qui diabolisent à chaque attentat le risque d'amalgame et d'islamophobie qu'il faudrait encore plus criminaliser d'autant qu'il serait la « vraie cause » des violences djihadistes. Les caïds des quartiers qui brûlent des voiture ou les syndicats qui prennent en otage des patrons ou détruisent des édifices, sans oublier les zadistes, en sont parfaitement conscients.
Karl Popper rappelait toutefois très justement que « rien dans la démocratie ne justifie la thèse [selon laquelle] le fait de présenter des émissions de plus en plus médiocres correspond aux principes de la démocratie (...)car la démocratie consiste à soumettre le pouvoir politique à un contrôle. (…). Il ne devrait exister dans une démocratie aucun pouvoir incontrôlé. Or la télévision est devenue aujourd'hui un pouvoir colossal ; on peut même dire qu'elle est potentiellement le plus important de tous, comme si elle avait remplacé la voix de Dieu et il en sera ainsi tant que nous continuerons à supporter ses abus. Nulle démocratie ne peut survivre si l'on ne met pas fin à cette toute-puissance et il est certain que l'on abuse de ce pouvoir aujourd'hui ».
Karl Popper suggère quelques pistes pour tenter de juguler le danger de l'absence de contrôle des médias, non pas le retour de la censure d'Etat, mais l'application des lois qui doivent garantir les bonnes mœurs et qui interdisent l'incitation à la haine et à la violence, puis surtout la création d'un ordre des journalistes doté de pouvoirs stricts de révocation et de sanctions comme cela existe pour les médecins ou même les avocats, qui prêtent serment et sont astreints au respect d'une déontologie qui, en cas de manquement, entraîne leur éviction. Quant on sait que les terroristes islamistes ne désirent qu'une chose : que l'on parle d'eux, en bien ou en mal, et quand on sait que l'on parle de terrorisme et d'islamisme chaque jour dans les médias et parfois des journées entières non-stop sur les chaînes d'infos en continu, il est peut être temps d'en tirer les leçons et d'arrêter de faire ce que les terroristes désirent que nous fassions...
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